Quoi de neuf ?

Décoloniser l’enseignement des mathématiques : entretien avec Annie Savard

Les cafés du CREFO Season 4 Episode 6

Dans cet épisode, Emmanuelle Le Pichon, directrice du CREFO, rencontre Annie Savard, professeure agrégée à l'Université McGill.

Annie Savard est professeure agrégée au département des études intégrées en éducation à l’Université McGill et chercheuse au Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO) depuis 2014. Titulaire d'un doctorat en didactique des mathématiques de l'Université Laval, ses intérêts de recherche s’orientent principalement autour du développement de compétences mathématiques contribuant au développement de compétences citoyennes, autant du côté de l’apprentissage que de l’enseignement. Annie Savard a enseigné au primaire près d’une quinzaine d’années et a été auteure, consultante et formatrice auprès du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport du Québec. Elle a également été consultante et formatrice auprès de commissions scolaires du Québec ainsi qu’auprès d’instituts de recherche et de développement à l’international.

Joey [00:00:00] Dans cet épisode, Emmanuelle Le Pichon, directrice du CREFO, rencontre Annie Savard, professeure agrégée à l'Université McGill. 

Annie [00:00:07] Et puis là, l'enseignante a commencé à leur parler du jeu. Avant qu'on arrive aux mathématiques, on a vraiment abordé l'aspect culturel de façon très importante. Et puis, elle leur a dit « mais les blancs, ils ne pourraient pas survivre comme nous on peut ». Et ils ont joué et après ça, les enfants émettaient des commentaires du genre « Oh, moi je suis fier d'être un Inuk! » 

Joey [00:00:27] Bienvenue à Quoi de neuf? 

Emmanuelle [00:00:44] Alors bienvenue dans notre podcast Quoi de neuf au CREFO? Et aujourd'hui, j'ai le grand honneur d'accueillir la professeure Annie Savard. Bonjour Annie! 

Annie [00:00:56] Bonjour!

Emmanuelle [00:00:57] Alors, Annie Savard, vous êtes professeure agrégée au Département des études intégrées en éducation à l'Université McGill et chercheuse au Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations, abrégé CIRANO, depuis 2014. Vous détenez un doctorat en didactique des mathématiques et vous venez de me dire que vous terminez un MBA en gestion stratégique de projet. Vous êtes professeure honoris causa de l'Université Ovidius de Constanta, en Roumanie. Alors vos recherches, elles portent sur le développement des compétences mathématiques et citoyennes, tant du côté de l'apprentissage que de l'enseignement. Donc mathématiques et citoyenneté, c'est déjà intéressant comme rapprochement. Vous avez une riche expérience dans le domaine de l'éducation, dans l'enseignement au primaire, mais aussi en tant que consultante et formatrice pour le ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport du Québec, pour des commissions scolaires, mais aussi pour des instituts de recherche et de développement à l'international. D'ailleurs, nous nous sommes rencontrées à la conférence en éducation comparative il y a quelques semaines, grâce à mon ami et collègue Alexandre Cavalcante qui, avant d'être mon collègue, vous étiez son superviseur. Alors, c'est là que vous avez commencé à me parler de votre travail, mais aussi de vos pérégrinations, qui sont absolument incroyables, au-delà des frontières québécoise et canadienne, au Congo, au Tchad. Mais peut-être que vous allez ajouter quelques pays tout à l'heure. Mais avant d'aller au moins vers l'Afrique, je voudrais commencer par une question toute simple, pourquoi ce rapprochement, enfin peut-être pas si simple que ça d'ailleurs, entre éducation à la citoyenneté et aux mathématiques? 

Annie [00:02:52] Donc pour moi, ces questions-là vont de pair. Vous savez, j'ai enseigné longtemps au primaire, j'ai enseigné une quinzaine d'années au primaire. Et pour moi, je voyais que l'enseignement que je dispensais aux élèves avait une finalité, avait un but pour eux dans leur vie dès maintenant. Notamment les mathématiques. Parce que les enfants me demandaient mais pourquoi est-ce qu'on apprend les mathématiques? Et la réponse convenue ben tu en as besoin pour le secondaire, pour faire un travail. Et puis moi, je réfléchissais à ces réponses, et puis je n'étais pas très satisfaite, donc j'ai vraiment réfléchi. Mais pourquoi cet enfant-là doit apprendre ces mathématiques-ci, à ce moment-ci. Et c'est là que j'ai commencé... c'est beaucoup de liens avec leur vie quotidienne. Et il m'est apparu que les mathématiques, ils s'en servaient quotidiennement sans s'en rendre compte. Et ces mathématiques-là les aidaient à prendre des décisions, ne serait-ce qu'en termes de temps, en termes de quantité ou d'argent, ça les aidait dans leur vie quotidienne. Ça aide aussi les adultes et les adolescents. Donc, pour moi, c'est que les mathématiques aident à développer une pensée critique envers le monde qui nous entoure. 

Emmanuelle [00:04:11] Alors vous venez de lâcher le mot, il me semble qu'une partie de vos recherches se concentrent, corrigez-moi si je me trompe, sur l'éducation financière, c'est ça? 

Annie [00:04:22] Oui. 

Emmanuelle [00:04:22] Et en particulier des enseignants de mathématiques du secondaire, qui est un sujet qui a été introduit assez récemment dans les programmes scolaires canadiens et en particulier dans le programme de mathématiques. Et quand on regarde à l'international, très souvent, il n'est pas présent encore. Est-ce que vous pouvez nous dire quels sont les principaux défis que vous avez identifiés par rapport à ça et quelles sont les solutions que vous proposez? 

Annie [00:04:47] Ben tout d'abord, moi, j'ai fait la recherche dans la province de Québec. Vous savez qu'au Canada, les provinces sont souveraines quant à leur système d'éducation. Donc, dans ma province, on a un système d'éducation qui est différent des autres provinces. Et je vous dirais que le fait de parler d'argent, je trouve que dans les provinces anglophones, on va un peu plus loin qu'au Québec. Donc, il y a eu ce besoin de parler, d'ajouter les mathématiques financières dans le programme de secondaire 4, donc pour les élèves de quinze, seize ans à peu près. Et en même temps, on a lancé un programme d'éducation financière qui est enseigné par des spécialistes d'univers social, de géographie ou d'histoire. Et on a mis des mathématiques financières dans le programme. Et là, ça a été complètement nouveau pour les enseignants qui se retrouvaient confrontés à ces concepts pour qui eux n'avaient pas été formés pour les enseigner... comment dirais-je, on leur demandait d'enseigner des concepts pour lesquels ils n'avaient pas été formés et qu’eux, dans leur vie quotidienne, il y avait une compréhension variable. Parce qu'on parle ici de mathématiques financières, mais plus spécifiquement de l'intérêt simple et de l'intérêt composé. Donc l'intérêt composé fait partie du quotidien quand on veut investir ou emprunter. C'est le même concept, mais selon la posture que l'on a, emprunteur ou investisseur, l'intérêt composé agit pour ou contre nous. Et il y a tout le système financier bancaire, par exemple, qui détermine les taux d'intérêts, les intérêts nominaux, les intérêts effectifs et il y a des connaissances qui manquent aux enseignants. Donc, j'ai attiré mon regard sur ce concept-là parce que j'ai fait ma thèse de doctorat auprès d'élèves de quatrième année, donc la quatrième année du primaire, ce qui correspond au CE2 et le sujet de ma thèse c'était d'enseigner les probabilités pour développer une pensée critique envers les jeux de hasard et d'argent chez les élèves. Donc on parlait d'argent et on parlait justement de calculer des probabilités versus la pensée magique de gagner un gros lot par exemple. Donc ces questions-là, pour moi, ont toujours été importantes parce que les jeunes sont des consommateurs. Ils influencent les habitudes de consommation de la maison quand eux-mêmes ont de l'argent qu'ils reçoivent en cadeau, ou même j'ai connu des élèves qui dès l'âge de neuf ans, travaillaient pour avoir quelques sous. Donc les élèves, les jeunes ont besoin aussi d'être formés parce qu'on entend souvent des adultes apprendre des concepts financiers puis dire si j'avais su avant, je ne me serais peut-être pas endetté. Si j'avais su avant, j'aurais économisé une liste de fonds pour accéder à l'achat d'une propriété. Donc, les choix sont importants, puis ils conditionnent une partie importante de notre vie. Et le fait de ne pas connaître et de réfléchir à son utilisation de l'argent, cela a un impact sur l'individu, mais sur la communauté également. 

Emmanuelle [00:08:21] Alors c'est intéressant si je peux vous interrompre. Si je comprends bien, vous avez commencé par réaliser qu'il fallait former les élèves, mais après, une fois que vous avez réalisé qu'il fallait former les élèves, vous vous êtes rendu compte qu'il fallait d'abord former les profs. 

Annie [00:08:34] Oui, parce que vous savez, il y a quand même beaucoup de tabous associés à l'argent. 

Emmanuelle [00:08:40] C'est ça, Tabou. Alors vous dites au niveau de la province du Québec, c'est déjà intéressant. Donc, en fait, je ressens que quelque part, vous dites bon, bah peut-être que les francophones avaient une relation à l'argent plus latine, je ne sais pas, que les anglophones. 

Annie [00:09:00] Ben, en réfléchissant, en lisant aussi beaucoup, il nous est apparu que c'est culturel et c'est relié notamment au système de croyances religieuses. Par exemple, beaucoup de francophones sont de confession catholique. Donc les catholiques leur rapport à l'argent... ont une méfiance envers l'argent. Quelqu'un qui a beaucoup d'argent, on pense même qu'à la limite, c'est suspect. Comment ça, cette personne a de l'argent? Est-ce qu'elle l'a acquise de mauvaise façon? Parce que... Bref, on se questionne. Dans la religion juive par exemple, le fait d'avoir de l'argent, ça montre qu'on est béni de Dieu. Donc les gens, ils vont parler plus naturellement d'argent, de faire de l'argent, de prêter. Du côté musulman, les principes religieux disent qu'on ne prête pas avec de l'intérêt, ce qu'ils appellent les finances islamiques. Il y a des principes là-dedans, des principes dans tout système de croyances qui disent est-ce qu'on aide le prochain, est-ce que on l'aide avec un profit ou un taux usurier? Est-ce que c'est permis? Ou bien on l'aide et la personne, quand elle est capable de nous rendre, va nous le donner. Donc, il y a ces questions morales qui sont associées au fait d'aider quelqu'un, de prêter de l'argent. Alors je pense que c'est ce qui teinte également la culture des gens. C'est très culturellement ancré, il y a un système de croyances et de valeurs associé à l'utilisation de l'argent. 

Emmanuelle [00:10:58] Oui, c'est intéressant. Et moi qui ai vécu en partie en France et une autre partie de ma vie aux Pays-Bas, qui est un pays beaucoup plus du Nord, avec une influence protestante assez forte, j'ai vu là aussi un rapport à l'argent très différent dans ces deux pays. Et peut-être que c'est quelque chose qu'on retrouve aussi dans ce clivage canadien anglophone-francophone? 

Annie [00:11:25] C'est parce que, vous savez, traditionnellement au Canada, il y a deux peuples fondateurs qui sont arrivés après les Premières Nations, les Premières Nations étaient ici, mais il y a eu deux peuples. Et de France, c'étaient des catholiques. Et du côté de l'Angleterre, c'étaient des protestants. Et pendant plusieurs siècles, le système scolaire était confessionnel. Donc les écoles francophones étaient catholiques d'office et les écoles anglophones protestantes d'office. Les changements ont lieu il y a une soixantaine d'années passées, c'est quand même récent dans notre histoire. Mais c'était cette tradition-là très lourde et le système scolaire francophone au Québec était assuré par les congrégations religieuses. Donc, ce qui montre aussi les liens qui sont tissés très, très, très forts. Il a fallu attendre la Révolution tranquille pour dire et même après la Révolution tranquille dans les années 70-80 pour dire bon, maintenant on sépare l'enseignement et l'État, donc les... C'était quand même assez récemment parce que moi, quand j'enseignais, j'ai été formée à enseigner justement la religion catholique à l'école et c'est devenu l'enseignement moral et religieux. Et maintenant on dit carrément aux gens l'enseignement religieux d'une confessionnalité particulière, c'est dans les communautés que ça se vit, alors qu'à l'école on garde un peu plus sur les disciplines, sinon on les traite de façon plus culturelle de manière générale. 

Emmanuelle [00:13:09] Alors, quand on forme les enseignants à la littératie financière, est-ce que justement il faut aborder ces différences culturelles du rapport à l'endettement, du rapport à la propriété, du rapport à l'emprunt, au prêt, etc. 

Annie [00:13:24] C'est sûr qu'il y a un système de valeurs qui est là. Puis des enseignants avec qui j'ai discuté m'ont dit, m'ont confié avoir un profond malaise à parler d'argent. Et un de ces malaises découlait du fait qu’eux-mêmes avaient des besoins et disaient ben écoute, moi j'ai des dettes puis je n'ai pas bien administré mon argent et là je vais aller l'enseigner. 

Emmanuelle [00:13:48] C'est vrai que c'est gênant!

Annie [00:13:50] Oui, mais ce sont des situations qui arrivent parce que c'est la vie. Habituellement quand on... 

Emmanuelle [00:13:58] C'est la vie. 

Annie [00:13:59] Oui, c'est la vie. Et puis quelqu'un prend une mauvaise décision à un moment donné dans sa vie. Des coups durs... Je veux dire, personne n'est à l'abri d'un coup dur, une perte d'emploi, un divorce, un deuil et qui apporte des bouleversements économiques importants. Donc il n’y a personne qui est à l'abri de ça, puis de prendre une décision qui s'est révélée... qui n’était pas la plus optimale au bout du compte. Je veux dire, c'est commun. 

Emmanuelle [00:14:28] Alors, c'est vraiment faites ce que je dis, pas ce que je fais, quoi. 

Annie [00:14:33] C'est parce qu'il y a des décisions qui ont des conséquences sur le long terme. Donc la personne a peut-être des bonnes pratiques financières, mais parce qu'elle a eu, je ne sais pas, il y a eu un événement dans sa vie, un divorce et puis qu'elle subit encore les contrecoups, économiquement, pendant cinq, six, dix ans. Donc ça ne veut pas dire que la personne ne fait pas ce qu'elle prône mais dans le passé, il lui est arrivé un événement qui fait que actuellement c'est difficile de parler de saine gestion financière ou de comment fonctionne l'argent quand nous même on dit... Ben écoutez, moi j'ai parlé avec des enseignants qui étaient précaires, qui travaillaient de contrats en contrats et puis qui commençaient pendant les entretiens, à me parler « ben écoute, moi je n'ai pas d'investissement pour ma retraite, penses-tu que je devrais en prendre? » Parce que là, ça attirait leur attention... 

Emmanuelle [00:15:32] Ben oui. 

Annie [00:15:32] ...et là je recadrais « Écoutez, je ne suis pas quand conseillère financière. Je vous conseille d'aller à votre institution puis de discuter avec quelqu'un de formé. Mais, dans les bonnes pratiques, oui, plus on contribue jeune, au plan mathématique, plus on contribue jeune à un investissement pour sa retraite plus l'investissement profite dans le temps, c'est le principe des intérêts composés. Donc moi c'est ce que je dis et je les dirige vers les bonnes personnes parce que je ne suis pas conseillère financière. 

Emmanuelle [00:16:03] C'est très intéressant parce qu'en fait on revient à la question du début qui était comment lier en fait les mathématiques et la citoyenneté. Mais là on est en plein dans des questions de citoyenneté, c'est-à-dire vivre en société, apprendre à vivre en société avec les mathématiques et grâce aux mathématiques. 

Annie [00:16:18] Tout à fait. 

Emmanuelle [00:16:19] C'est absolument passionnant. Alors j'ai lu aussi quelque part que vous aviez fait des recherches sur le rapport aux mathématiques et des cultures autochtones. Est-ce que je me trompe? 

Annie [00:16:32] Bon, j'ai fait un projet de recherche auprès des Inuit au Nunavik. 

Emmanuelle [00:16:36] C'est ça. 

Annie [00:16:37] Donc oui, les Inuit vivent au Nunavik et au Nunavut, Nunavik est la partie du Québec, la partie du Grand Nord. Donc je ne parle pas l'inuktitut, leur langue, malheureusement. Mais pour moi, aller travailler avec les Inuit, c'est aller travailler avec eux, non pas sur eux. Et je m'intéressais à les accompagner dans le développement d'une pensée probabiliste. Et pour ce faire, je voulais quelque chose de concret et à l'aide de personnes inuit et inuk nous avons étudié, nous avons regardé ensemble les possibilités pour relier la culture aux mathématiques. Et nous avons trouvé que, un jeu traditionnel dans lequel les enfants jouaient à l'aide d'os de phoques et reproduisaient tout le système de la société traditionnelle. Donc il y avait l'igloo, il y avait le noyau familial, il y avait le chasseur, il y avait les enfants, il y avait un traîneau à chiens, l'attelage et la chasse aux animaux. Et il y avait un aspect probabiliste en tirant des os ou en lançant des os. Et il y a eu un effet inattendu dans ce projet-là, parce que l'enseignante avec qui je travaillais connaissait le jeu mais n'en parlait plus, était comme oublié. Et là, on a fait des recherches, puis on a remis le jeu à jour et elle l'a implanté dans sa classe de CE1, 3e année. Mais il y a eu un effet un peu inattendu parce que bon, il fallait se procurer les ossements. Il n'y a pas de magasin qui vend des ossements. Donc son mari est allé à la chasse, a tué l’animal pour récupérer les ossements. Ils ont mangé l'animal, ils étaient très contents parce que c'est traditionnel et ils étaient très fiers. Mais bon, cet aspect-là, j'avais oublié de le planifier quand j'ai planifié le projet de recherche. Je dois vous avouer que je n'avais pas pensé à cet aspect. Et là, ça a eu comme effet que les enfants sont devenus fiers de leur culture parce que moi j'étais dans la classe et là c'était difficile de communiquer parce que certains enfants parlent un peu l'anglais, certains un peu le français mais ils parlaient tous inuktitut alors que moi je ne le parle pas. Et ils disaient à l'enseignante « oh les blancs, ils savent tout ». Et puis là, l'enseignante a commencé à leur parler du jeu avant qu'on arrive aux mathématiques, on a vraiment abordé l'aspect culturel de façon très importante. Et puis là, elle leur a dit « mais les blancs, ils ne pourraient pas survivre comme nous on peut » et ils ont joué. Et après ça, les enfants émettaient des commentaires du genre « oh, moi je suis fier d'être un inuk ». Et là, l'effet, c'est qu'ils sont retournés à la maison puis ils ont demandé à leurs parents d'avoir des ossements. Mais les parents ne connaissaient pas le jeu donc ils ont dit va parler aux anciens, va parler à tes grands parents. Mais les grands parents connaissaient le jeu, mais il y avait une génération qui avait été coupée. Donc ils ont commencé à discuter, dans la petite communauté, du jeu. Et là les enfants ont dit ben moi aussi je veux aller chasser le phoque. Moi aussi je veux aller à la pêche! Et ils se sont réapproprier des pans culturels qui avaient été oubliés à cause de toutes sortes de politiques et de systèmes d'éducation. Vous savez c'est complexe et c'est malheureux. Donc ils ont éprouvé cette fierté-là et les grands parents étaient très contents de parler des jeux de leur enfance à leurs petits-enfants. Et les parents se sont mis à se renseigner eux aussi. Donc il y a eu une valorisation importante de la culture et pour moi c'est fondamental parce qu'on me disait là-bas « vous savez, les gens viennent beaucoup nous étudier, nous les Inuit, parce qu'on est très reculés et les gens viennent notamment des chercheurs de France, de partout dans le monde. Ils viennent, ils nous étudient et après ils repartent ». Et ils ont dit « mais toi, tu as travaillé avec nous, tu nous as laissé quelque chose ». Donc c'est ça faire de la recherche avec les gens, pas sur les gens. 

Emmanuelle [00:21:10] C'est ça, la valeur de réciprocité, hein? 

Annie [00:21:11] Tout à fait. 

Emmanuelle [00:21:14] C'est absolument passionnant. Et puis on voit vraiment vos yeux qui s'allument quand vous parlez de ça. C'est vraiment passionnant. Alors moi, la question suivante, on a parlé des enseignants, on a parlé des élèves, on a parlé de remettre au cœur de l'enseignement leurs fonds de connaissances, leur culture, ce qu'ils savent, les rendre fiers. Mais il me semble qu'il y a un aspect dont on n'a pas parlé encore qui sont les décideurs, que votre recherche a forcément un impact très fort au niveau des décideurs. Quelles sont les recommandations qui ont découlé de ça, de cette recherche en milieu inuit ou de toutes vos recherches sur la littératie financière au Québec? 

Annie [00:22:05] Mais c'est certain qu'il y a différents niveaux de décideurs. Donc, les décideurs qui sont plus près, dans le milieu scolaire par exemple, vont utiliser les travaux pour notamment accompagner les enseignants, proposer des pistes. Je sais que le ministère de l'Éducation utilisait mes travaux, notamment mes travaux sur l'apprentissage des probabilités pour donner des orientations claires aux enseignants du primaire, comment le raisonnement probabiliste peut se développer et comment favoriser ce développement en classe. Je sais que bon, parfois... vous savez, nous on publie, nous on présente, mais parfois nos travaux sont utilisés sans qu'on le sache. 

Emmanuelle [00:22:52] Puis parfois pas toujours de la bonne manière. 

Annie [00:22:54] Et j'ai eu la surprise de découvrir, en novembre dernier, que justement le ministère de l'Éducation nationale en France citait mes travaux dans un document pour les enseignants de CM pour l'apprentissage de la résolution de problèmes, des travaux que j'ai conduits avec Elena Polotskaia et dans lesquels nous parlons de la compréhension d'étudier les relations dans un problème, et ils ont vraiment mis de l'avant cette idée d'étudier les relations dans un problème avant de sauter rapidement aux calculs. Donc ça, c'est un cadeau quand on apprend des choses comme ça. 

Emmanuelle [00:23:35] Incroyable, magnifique. Alors on sait et d'ailleurs je suis vraiment très honorée que vous soyez avec nous aujourd'hui puisque Annie Savard, vous êtes très très prise et très demandée. Et notamment vous arrivez, je crois, juste du Tchad, n'est -ce pas? 

Annie [00:23:52] De la Côte d'Ivoire. 

Emmanuelle [00:23:54] Ah, de la Côte d'Ivoire ! Et vous repartez très bientôt pour le Tchad. 

Annie [00:23:59] C'est ça. 

Emmanuelle [00:23:59] Et puis vous avez publié sur la République démocratique du Congo. Est-ce que vous voulez un peu nous parler de ce travail en Afrique. Qu'est-ce qui vous y a amené? Vous êtes quelqu'un de très demandé, donc expliquez-nous ce que vous y faites. 

Annie [00:24:17] En Afrique, je travaille principalement en Afrique francophone, qui parle en français et j'ai fait des grands projets à Djibouti, en Côte d'Ivoire. Et là je suis sur un gros projet au Tchad. Donc ce sont des projets qui sont subventionnés par la Banque mondiale. Donc on veut appuyer les ministères de l'Éducation à améliorer leurs systèmes éducatifs. Et puis là, on demande à des experts d'accompagner les ministères. Et moi, j'interviens principalement pour l'enseignement des mathématiques dans les trois, quatre premières années du primaire, parfois même le préscolaire parce que les bailleurs de fonds se rendent compte que c'est là qu'il faut intervenir. Ce sont les premières années qui sont cruciales. Donc, ce n'est pas suffisant de développer du matériel de qualité, encore faut-il accompagner les enseignants. Un accompagnement, vous savez, ça se fait dans le temps. Une formation ponctuelle donne peu de résultats. Il faut que ce soit un accompagnement de proximité, un accompagnement près. Le travail que j'ai fait en Côte d'Ivoire a eu beaucoup, beaucoup, beaucoup de succès et les bailleurs de fonds et le ministère de l'Éducation nationale ont décidé qu'elle est implantée dans tout le pays. Donc c'est pour ça que j'étais en Côte d'Ivoire parce qu'on me demande de formaliser l'approche et de proposer un plan stratégique pour cinq ans qui va revoir tout l'accompagnement des enseignants en exercice et les futurs enseignants. Donc, c'est tout le système d'éducation, je vais intervenir à tous les paliers du système d'éducation, tous les encadreurs pédagogiques, pour les soutenir pour cette implantation, que ce soit réussi. On parle de 100 000 enseignants au primaire. 

Emmanuelle [00:26:28] Alors c'est juste de la formation d'enseignants ou c'est aussi une révision des programmes scolaires par exemple? 

Annie [00:26:34] Dans le cadre du projet, on a fait une révision, mais officiellement, les programmes n'ont pas été touchés. Mais dans mes recommandations, c'est ce que je vais dire. Il faudrait faire un arrimage, revoir. Parce que vous savez, en Côte d'Ivoire, avant, quand je suis arrivée en CP1, les élèves au programme, et c'est encore le cas, doivent compter de 0 jusqu'à 20. J'ai dit c'est trop peu. Donc on va tester jusqu'à 100. Et ça a bien fonctionné. Donc maintenant, c'est ce qu'on recommande, mais Il va falloir faire un arrimage, assurément. En République démocratique du Congo, j'ai participé à un projet, mais ma participation a été un peu plus limitée. Toutefois, l'article que j'ai publié porte sur l'accompagnement des enseignants, les formations en cascade. Donc les formations en cascade, qu'est-ce que c'est? C'est quand on développe une formation, on forme deux à trois personnes, ces deux ou trois personnes vont former 20 personnes. Ces 20 personnes vont former 150 personnes. Et dans l'article, on montre qu'il y a une déperdition de la qualité. Une déperdition importante de la qualité. Alors quand j'étais en Côte d'Ivoire, moi j'avais publié cet article et je savais qu'il y avait une déperdition. Mais vous savez, on veut former rapidement, puis à grande échelle. Donc la formation en cascade répond à ces besoins de former rapidement une grande quantité d'enseignants. Par contre, moi, j'ai proposé des modifications importantes pour justement s'assurer de garder la qualité le plus possible, parce que c'est pour ça qu'il y a des résultats, parce qu'on s'assure de la qualité tout au long de la chaîne, tout au long de la cascade. Donc, et voilà, c'est... 

Emmanuelle [00:28:41] Alors c'est quel type de...c'est sous la forme de tests ou bien de contrôle, ou bien d'intervention? Ou bien... 

Annie [00:28:48] La formation en cascade doit avoir lieu avec des experts. Et les experts doivent être coachés. Donc il faut qu'il y ait un coaching, un accompagnement à tous les niveaux des experts. Et, ce que ça nous permet, c'est qu'une cascade, ça a un effet top down. Ça part du haut puis ça s'en va vers le bas. Mais le fait que les experts interviennent à différents paliers de la cascade, on a des effets bottom up parce que les enseignants nous expriment des besoins et puis là on les ramène en haut et là on trouve des solutions, puis là on les ramène, on les promène en bas. Donc c'est important cet effet-là. 

Emmanuelle [00:29:28] Oui, c'est tout à fait le genre de choses que je vois avec les écoles avec lesquelles je travaille. C'est-à-dire que quand on s'appuie sur ces écoles-là, elles-mêmes vont pouvoir répercuter sur d'autres écoles, mais là encore, il va falloir réintervenir. Et cette intervention à tous les niveaux est nécessaire. Mais comment vous y arrivez? Parce que vous êtes toute seule? 

Annie [00:29:53] Oui. 

Emmanuelle [00:29:55] Comment vous faites? Vous êtes la Mary Poppins du Québec?

Annie [00:30:05] Moi, je pense que c'est le désir de connaître, d'aller vers les autres.  L'éducation, c'est ma grande passion. Puis moi, j'aime apprendre des gens, c'est formidable. J'étais en Côte d'Ivoire dans le nord du pays et justement, lors d'une formation en cascade... Quand je vous dis l'effet bottom up, il y a un conseiller pédagogique, parce que moi je disais dans la formation, puis les gens avec qui on disait « Bah écoutez, c'est intéressant d'avoir un support visuel dans la classe lorsqu'on apprend les mathématiques. Les mathématiques ne se développent pas dans les airs, ça prend du concret, ça prend une matérialisation, des représentations et le fait d'afficher et de se servir des affiches, ça va soutenir les élèves ». Et là, il y a un conseiller pédagogique, parce que moi, vous savez comment je fais, c'est que je suis sur le site, il y a cinq, six salles et moi je tourne, je vais d'une salle à l'autre, je me promène, on m'amène dans une autre ville et puis là, il y a cinq, six salles et là je tourne. Et je prends les téléphones et tout ça. Et là, le conseiller pédagogique me dit « Madame, moi j'ai une question », puis les gens dans la salle, les formateurs, personne n'a été capable d'y répondre. Il me dit « Madame, vous nous dites d'afficher mais comment fait-on lorsqu'il n'y a pas de murs dans la salle de classe? » J'ai dit « Pardon? Pas de murs? Mais expliquez-moi. » Il a dit « Nous, on a des écoles, et ce sont des écoles de paillottes. Il y a un toit et c'est tout. » Je dis « Ah bon? Je l'ignorais. » Alors, j'ai dit à mon équipe « Trouvez-moi en une. J'y vais, j'y vais! Il faut que j'aille voir. C'est pas en restant dans mon bureau que je vais trouver des solutions. On s'en va en brousse, on s'en va sur le terrain ». Donc là, on m'a amenée dans un village éloigné. Il n'y a pas de route. Il a fallu, à un moment donné, marcher pour se rendre au village. Bien sûr, il n'y a pas d'électricité, il n'y a pas d'eau courante. C'est vraiment un village retiré. Les gens étaient tellement émus que je me rende là parce que, vous savez, les effets de la colonisation sont encore là. Donc, qu'une femme blanche se rende dans le village, j'ai eu le droit aux honneurs et à la musique, les danses et c'était... et beaucoup d'officiels n'arrivaient pas à parler français. Donc, quand je vous dis on est loin, on est loin. Et là je suis allée voir, il y avait trois bâtiments dans lesquels il y avait deux niveaux CP, CM, CE, premier cycle, deuxième cycle, troisième cycle. Il y avait une direction d'école qui était le seul enseignant et il se promenait avec son tableau noir d'un pavillon, d'un bâtiment à l'autre... je ne peux pas appeler ça un pavillon là, mais d'une paillote à l'autre. Moi, j'étais là pour l'observer. Je voulais observer une leçon puis ensuite discuter, puis de voir.... Puis là, moi, je marchais dans l'école de paillotes, je marchais, je regarde les enfants, je parle à l'enseignant, je regarde les enfants au tableau, j'étudie tout avec lui. Et là, on développe une solution et là je la ramène. Donc il faut que moi j'aille voir. Ça m'amène à des situations particulières parce qu'on m'envoie dans les endroits où il y a le plus grand besoin. Donc quand j'étais au Tchad, on m'emmenait dans une école communautaire retirée, encore une fois pas d'eau courante, pas d'électricité et je vais en classe de CP, les petits de première année. Puis, il y avait des petits enfants plus petits qui étaient assis dans la classe. Il n'y avait pas de préscolaire, mais les enfants s'assoyaient quelques heures dans la classe. Et là, les enfants ont eu peur et ils ont pleuré en me voyant. Il y en a un qui s'est sauvé de la classe et s'est en allé chez sa maman. Et là, la maman l'a ramené et elle m'a dit mais qu'est-ce qui se passe? Il lui a dit « Il y a une diablesse dans la classe, maman, une djinn! Elle est toute blanche, maman. Elle est toute blanche! ». Le petit ne savait pas que les blancs existaient, vous comprenez? Donc, ils n'ont pas la télévision, ils n'ont pas Internet. Donc le petit, il était terrifié, il a fallu le sortir de la classe parce que moi je suis allée le voir pour le consoler, mais ça l'a fait crier davantage, comprenez? Et quand je suis sortie de l'école, on lui cachait les yeux pour ne pas qu'il me voit parce qu'il avait trop peur de moi. Donc ça nous met dans des situations un peu particulières. Mais pour moi, c'est important de voir les pratiques de l'enseignant puis les pratiques pour les rendre visibles, c'est dans l'action. Il faut que je voie l'enseignant avec ses élèves, il faut que je voie les interactions. 

Emmanuelle [00:35:00] C'est ça. Je comprends parce que moi j'ai travaillé un peu dans... en particulier dans un village autochtone du Suriname, reculé dans la forêt vierge. Et effectivement, alors il y a des murs, mais il n’y a vraiment pas de papier pour mettre aux murs, il y a peu de choses. Et donc moi... vous dites on a développé des solutions dans l'action. Est-ce que vous pouvez nous donner un exemple ou deux? J'imagine que celui du jeu avec les os en milieu inuit, c'en était déjà une, mais j'imagine qu'il y en a d'autres, peut-être dans le contexte africain? 

Annie [00:35:36] Oui bon, par exemple pour afficher sur les murs. Il n'y a pas de mur mais là on s'est dit « bon, les affiches, peut-être que si on les met à la base du toit puis on les tient sur une structure, mais là il faut les enlever quand il pleut ». Donc, on s'est dit « bon il y a moyen de faire comme ça » et on a trouvé des solutions pratico pratiques, là, comment afficher, vraiment comment ça tient. Et donc quand on est revenu, bon et bien là, on a proposé ces solutions-là aux conseillers pédagogiques pour qu'ils accompagnent les enseignants. Mais vous savez, dans ce village où je suis allée, ça a eu un effet que j'y sois allée parce qu'il y avait une école en construction. Et le fait que j'y aille, ça a motivé les villageois à terminer l'école parce qu'ils ont dit si elle revient, il faut lui montrer que notre école est terminée. Et comme quand j'y vais, je suis accompagnée des officiels du gouvernement, du ministère de l'Éducation, le ministère de l'Éducation a envoyé deux enseignants supplémentaires. Donc chacun avait au moins.... Donc, au lieu d'un enseignant pour les six niveaux, elle en avait maintenant trois. Donc ça a eu quand même une retombée intéressante pour le village, concrètement. Donc ça pour moi, je suis contente parce qu'ils m'ont accueillie vraiment avec tous les honneurs, alors que c'est moi qui étais honorée d'être chez eux, vous comprenez? 

Emmanuelle [00:37:11] C'est magnifique de vous écouter. Et je retiens ce que vous avez dit tout à l'heure, « j'aime apprendre des gens », mais j'imagine qu'ils sont aussi ravis d'apprendre de vous. Donc c'est vraiment une reconnaissance mutuelle, vraiment dans l'esprit d'anthropologie réciproque qui est très chère à mon cœur et en particulier dans mes recherches. Alors moi, j'ai envie de vous poser la question: l'école de vos rêves, elle ressemblerait à quoi? 

Annie [00:37:39] Attention, je rêve grand! 

Emmanuelle [00:37:40] J'aime ça, j'aime ça!

Annie [00:37:45] Moi j'aime beaucoup, vous savez, les écoles dans lesquelles il y a des projets, des projets significatifs, dans lesquels les élèves peuvent exploiter leurs talents et que par conséquent, ils ne suivent pas tous le même curriculum au même moment. Donc les élèves talentueux peuvent aller plus loin, les élèves qui éprouvent des difficultés dans certains apprentissages vont en développer d'autres. Donc pour moi, le mot là, c'est un milieu de vie qui va répondre aux besoins des enfants, avec la technologie pour soutenir, avec du personnel à l'écoute qui n'est pas enchâssé par des contraintes institutionnelles qui empêchent d'avancer. Donc vraiment, un milieu de vie dans lequel l'apprentissage est collaboratif, qui est stimulant. On va au-delà de ce qui est demandé parce que c'est ce qui passionne les enfants, ça répond à leurs besoins. Les parents, la communauté est impliquée. L'école non seulement est un milieu de vie pour les enfants, mais a un impact sur la communauté elle-même. Parce que l'école, c'est le cœur du village puis là je parle peu importe où dans le monde. Même une grande ville, il y a des quartiers, c'est un village, puis il y a un quartier, puis il y a une école. Donc je pense que l'école a un rôle à jouer et le fait d'éclater justement pour que chacun, chacune trouve sa passion, apprenne. Ce serait vraiment l'école que je souhaite, l'école de mes rêves quoi.  

Emmanuelle [00:39:40] C'est très beau et c'est tout à fait un objectif dans lequel je m'inscris, c'est-à-dire de reprendre cette école au niveau de la communauté et de favoriser le partenariat entre les familles, les communautés, les enseignants, les équipes scolaires, etc. pour ensemble éduquer ces enfants qui seront les citoyens de demain. 

Annie [00:40:04] Et ça fonctionne. Moi, j'ai enseigné au primaire et je disais aux parents de mes élèves en début d'année « Vous êtes les bienvenus. Si vous voulez monter un petit projet ou venir donner une leçon, peu importe le sujet, vous êtes les bienvenus ». Alors une année, j'ai un papa qui travaillait dans une institution financière et il est venu en parler aux enfants. Une autre année, j'ai un papa qui était entomologiste à l'Université Laval et il est venu en parler, il a apporté des spécimens rares, des phasmes et toutes sortes d'insectes. C'était fascinant, les enfants étaient ravis et le papa aussi. Cela a eu un impact de s'impliquer dans la vie scolaire de son enfant. Les enfants en parlaient, ton papa il fait ci, ton papa fait ça. Donc pour moi, c'est possible. 

Emmanuelle [00:40:58] Bien sûr, c'est possible. Et j'y crois aussi. J'y crois aussi, et en particulier dans le cadre du réseau d'écoles amies des langues que nous avons créé. C'est vraiment tout à fait la posture qu'on essaye d'adopter. Alors, Annie Savard, si on voulait vous lire pour mieux comprendre votre travail, qu'est-ce que vous nous recommanderiez de lire? Alors j'ai vu quelques articles en ligne, je peux les citer là, mais peut-être que vous en avez un qui vous plaît particulièrement?

Annie [00:41:25] Bon, avec Elena en fait, nous avons écrit deux manuels pour les enseignants, pour soutenir le raisonnement dans la résolution de problèmes Représenter pour mieux raisonner. Donc nous avons un livre qui porte sur les structures additives et un autre qui porte sur les structures modificatives. Avec Alexandre, nous avons écrit un livre sur l'éducation financière et ce livre se veut un fondement pour justement inciter les gens de l'éducation à en parler parce que, je fais une petite parenthèse ici. Pourquoi c'est important, parce que vous savez, l'OCDE teste les élèves de quinze ans, les PISA. Eh bien il y a un PISA sur l'éducation financière depuis 2012. Et là, ça envoie un signal très fort au pays, il faut le mettre au programme. Mais souvent, puis ce que je vois en ligne, ça parle des institutions financières du milieu financier. Ce sont eux qu'ils mettent dans nos programmes. Et moi je dis attention, ils ont leur système de valeurs et en éducation, nous avons notre système de valeurs. Apprendre en coopération, en collaboration, ce n'est pas toujours être à la recherche du profit. Donc il faut faire attention. Et moi je dis aux éducateurs, éducatrices, impliquez-vous, n'attendez pas que ce soit les gens qui décident pour vous, puis ensuite vous dites « je ne suis pas content, ce n'est pas ce que je veux, ce n'est pas ça ». Il faut prendre les devants, il faut devenir les leaders. Nous sommes des éducateurs. C'est un peu pour ça également que je fais mon MBA pour aller solidifier mes connaissances en finance, en comptabilité, en gestion, en économie, afin justement de dire voici les codes sociaux actuels. Nous, on en fait quoi? Comment on présente ça aux jeunes parce que vous savez, il y a beaucoup de critiques envers le néo libéralisme et moi je dis proposez quelque chose, mais pour proposer quelque chose, il faut connaître les codes. Il faut jouer dans la cour des grands. Donc oui, proposons quelque chose, mais formons-nous pour être en mesure d'avoir un discours éclairé et bien appuyé. 

Emmanuelle [00:43:54] Annie Savard, c'est vraiment formidable de vous écouter et on partagera, donc pour les auditeurs qui ont comme moi été passionnés par cette conversation, les liens vers vos travaux sur le site du CREFO. Mais vous avez tout à fait raison. C'est merveilleux parce que ce que vous nous dites de faire, on a l'impression que c'est ce que vous faites vous-même. C'est-à-dire que vous êtes déjà professeure agrégée, mais malgré tout, vous continuez à avoir soif d'apprendre et soif de transmettre ce savoir que vous acquérez tous les jours un peu plus et un peu mieux. Merci beaucoup Annie Savard pour cette belle conversation. Et puis bon voyage, mais j'espère à très bientôt à Toronto. Venez donc boire un café avec nous. 

Annie [00:44:45] Je vous remercie de l'invitation. Je vous remercie de m'avoir accordé ce temps. Et puis j'ose espérer que vos auditeurs et vos auditrices se sont sentis inspirés pour aller de l'avant, parce que c'est ce que je leur souhaite au final. 

Emmanuelle [00:45:01] J'en suis sûre et comme on dit par chez nous, au plaisir!

Annie [00:45:06] Oui, également au revoir!

Joey [00:45:10] Vous avez aimé cet épisode? Faites-nous part de vos commentaires sur les réseaux sociaux ou par courriel à crefo.oise@utoronto.ca