Les impactantes
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Épisode 2 - Gérer une association de quartier aux Etats-Unis, avec Danielle Redmond, fondatrice de la Historic Paradise Foundation (en anglais/in English)
Selon le Pew Research Center, environ 43 % des adultes ayant de faibles revenus ne disposent pas de services haut débit à domicile et 41 % ne possèdent pas d'ordinateur portable. La fracture numérique est un problème grandissant aux États-Unis et a un impact sur le fonctionnement des associations et des fondations. Comme en France, les organisations œuvrant pour le bien commun aux États-Unis, doivent intégrer des outils numériques pour accomplir des missions de plus en plus complexes afin de soutenir leurs communautés : de la collecte de fonds à la distribution de nourriture et de matériel aux personnes dans le besoin, la liste est sans fin. Notre invitée Danielle Redmond, est la fondatrice de la Fondation Historic Paradise située à Charlotte, en Caroline du Nord. Elle partage avec nous son expérience et son engagement au quotidien. Elle nous donne un aperçu dans les deux prochains épisodes des actions solidaires qui peuvent être menées à l'ère de la transition numérique. Au travers d’histoires et exemples, Danielle explique le rôle des outils numériques dans la gestion d'une fondation, et surtout l'importance de l'inclusion numérique pour sa communauté.
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According to the Pew Research Center, approximately 43% of low-income adults do not have broadband services at home and 41% do not own a laptop. The digital divide is a growing problem in the United States and is impacting the way nonprofits and foundations operate. As in France, organizations working for the common good in the U.S. must integrate digital tools to accomplish increasingly complex missions to support their communities: from fundraising to distributing food and supplies to those in need, the list is endless. Our guest Danielle Redmond, is the founder of the Historic Paradise Foundation located in Charlotte, North Carolina. She shares with us her experience and commitment on a daily basis. In the next two episodes, she gives us a glimpse of the solidarity actions that can be carried out in the era of the digital transition. Through stories and examples, Danielle explains the role of digital tools in the management of a foundation, and especially the importance of digital inclusion for her community.
Bertrand Viala : J'ai donc une question délicate à te poser, Danielle. Alors, est-ce que tu utilises les outils numériques pour collecter des fonds ou pour recruter des bénévoles ? Quel est l'usage du numérique dans ton organisation ? Nous savons, bien sûr, que ton association a fourni des Chromebooks à environ 30 foyers. C'est donc essentiellement la cible de ton travail. Mais est-ce que tu l'utilises pour gérer ta structure? Et si oui, comment le fais-tu ? Et si non, pourquoi ?
Danielle Redmond : Donc oui, quand nous étions au cœur du COVID, nous avons découvert qu'il y avait des problèmes illectronisme. Il y avait des problèmes d’illectronisme. Beaucoup de personnes ont des téléphones portables, mais pour certaines démarches, elles ont besoin de plus de matériel comme un ordinateur portable. Certaines familles voulaient être en télétravail parce qu'elles ne voulaient pas avoir le COVID en allant sur leur lieu de travail, nous avons donc rédigé une subvention pour l'achat de Chromebooks, car ces derniers nécessitent l'utilisation d'Internet. Et ceux qui n'avaient pas Internet ont dû s'en procurer car les Chromebooks ne fonctionnent pas sans Internet. Nous avons donc pu ouvrir de nombreuses portes, car ils peuvent répondre eux-mêmes à ce besoin. Certains d'entre eux ont des points Wi-Fi sur leurs téléphones portables qui leur ont permis de se connecter. Mais, comme tu me l’as demandé, j'utilise de nombreux outils pour la collecte de fonds et nos programmes d’accompagnement. J'utilise des plateformes de programmation comme Act Blue, j'utilise divers outils comme PayPal. Nous avons toutes les tendances en matière d'outils mobiles de collecte de fonds ou d'envoi d'argent comme Venmo Cash App, nous utilisons aussi Zelle. Nous en avons d'autres que nous utilisons également. Je ne sais pas s'ils sont disponibles en France, mais il y a beaucoup d'options pour de collecte de fonds en ligne.
Bertrand Viala : Comment les gens réagissent ils ? En fait, les gens qui veulent faire des dons, est-ce qu'ils ont encore parfois des réactions du genre je voudrais plutôt faire un chèque ou faire un transfert d'argent. Ou est-ce qu'ils sont tous à l'aise avec l'envoi d'argent via des applications ? Quel est le rapport entre les moyens traditionnels d'obtenir des fonds et les nouveaux moyens technologiques ? As-tu une idée ?
Danielle Redmond : Cela dépend. Parfois, si nous avons un évènement qui a une échéance immédiate, alors la plupart des fonds sont récoltés en ligne. Nous collectons donc mieux les fonds par des moyens mobiles et numériques. Mais s'il s'agit d'un projet à long terme ou d'une aide au fonctionnement général, les fonds proviennent davantage de chèques et des missions locales de divers ministères religieux. C'est un peu comme ça, les chèques sont plus un soutien à long terme. Nous pouvons donc créer un projet et dire par exemple que nous voulons que vingt enfants aillent en camp, nous pouvons créer une collecte de fonds numérique, disons par le biais de la collecte de fonds Facebook, qui est disponible. Je ne sais pas si c'est disponible en France, mais nous pouvons en créer une là-bas et dire, hey nous avons encore besoin de 10 personnes. Et nous pouvons simplement continuer à montrer, à démontrer ce besoin, à donner des dates limites, etc. et les gens répondent. Nous développons beaucoup de nos actions marketing en utilisant l’outil Canva. C'est très utile.
Bertrand Viala : Oui, nous l’utilisons, nous aussi.
Danielle Redmond : Oui, pour être honnête, nous l'utilisons. C'était comme Microsoft Publisher et tous les autres que nous utilisons, mais Canva a été essentiel pour nous. Nous utilisons également Techsoup.org. En tant qu'organisation à but non lucratif, nous bénéficions de réductions sur un grand nombre de logiciels et d'outils qui sont généralement à moitié prix ou moins chers. Et cela nous permet de faire des économies à long terme, mais nous avons accès à beaucoup d'autres outils. Ainsi, notre comptabilité et tout ce qui s'y rapporte est basé sur un abonnement par le biais duquel nous avons obtenu des réductions grâce à TechSoup.
Bertrand Viala : Donc en gros, le modèle pour la gestion numérique de votre organisation est basé sur des abonnements à des plateformes qui proposent des tarifs pour les associations caritatives et les fondations de l'économie sociale. C'est bien cela ?
Danielle Redmond : Oui.
Bertrand Viala : OK, c'est à peu près la même chose en France en fait. ANEOL fait aussi ce genre de travail, nous développons des logiciels où nous intégrons des solutions. Nous essayons de conseiller ces structures basées en France pour les aider à choisir les meilleurs outils et les intégrer correctement. Parfois, notre équipe de développeurs crée des logiciels afin que l'ensemble des bases de données se connectent correctement les unes aux autres. Nous comprenons donc parfaitement votre point de vue. C'est ce que nous faisons tous les jours dans notre équipe ici.
Donc, j'en viens au fait. Ma question est aussi parce que nous avons un débat en Europe, comme tu le sais, et je suis sûr que c'est la même chose aux États-Unis, avec la notion de transformation numérique durable. Fondamentalement, autour l'utilisation d'équipements informatiques ou matériels remis à neuf. Ainsi, par exemple, nous essayons de développer des partenariats en tant qu’entreprise de services numériques avec des organisations qui pourraient collecter du matériel informatique auprès de grandes entreprises. Cette collecte aura pour but de remettre à neuf, réorganiser, reconditionner le matériel pour ensuite le distribuer lorsqu'il fonctionne correctement, aux communautés démunies qui, en raison de la fracture numérique, ne peuvent pas s'offrir un ordinateur portable, un smartphone ou une tablette. Et en n’ayant pas ce matériel, cela les privent de leurs droits sociaux et de leur autonomie économique. Est-ce que vous vous appuyez sur cette pratique du reconditionnement ou est-ce quelque chose que vous pensez mettre en place ? Comment cette idée de reconditionnement fonctionne-t-elle dans l'environnement social aux États-Unis et en Caroline ?
Danielle Redmond : Um, cela représente probablement 90 à 95% des dons en passant de la photocopieuse aux ordinateurs. Nous utilisons donc beaucoup les ordinateurs de bureau lorsque les gens ont besoin d’un poste fixe, ou s'ils doivent être de passage dans notre bâtiment ou pour certains projets. Alors ils utiliseront nos appareils mobiles, on a environ 6 iPads et on a peut-être une trentaine d'ordinateurs portables. Et bien sûr, les ordinateurs portables incluent les Chromebooks. Laisse moi le formuler comme ça, la plupart d'entre eux sont des Chromebooks que nous utilisons et ils sont tous donnés ou achetés d'occasion parce que c'est ce que nous faisons. Nous n’achetons pas en grande quantité ce type de matériel car généralement nous les obtenons lorsqu'ils sortent d'une location d'une organisation, ou une famille qui a acheté le dernier modèle et qui veut donner tous les anciens ordinateurs qu'elle avait. Donc nous renouvelons le matériel. C'est un autre moyen, mais nous n'envoyons pas d'ordinateurs de bureau. Nous ne faisons des dons qu'avec les Chromebooks parce que nous savons que nos bénéficiaires doivent avoir Internet pour l'utiliser. Et nous voulons qu’ils aient l'appareil et qu’ils l’utilisent dans ce but. Donc c'est la raison pour laquelle nous faisons de tout cœur cette démarche parce que même avec le téléphone portable, vous avez toujours certaines limites.
Bertrand Viala : C'est vrai.
Danielle Redmond : Alors ce qui se passe lorsqu'un un appareil peut encore démarrer et fonctionner efficacement et rapidement, nous aidons nos bénéficiaires à surmonter la frustration de démarrer un ordinateur et d'attendre que tous les programmes se chargent et que toutes les tâches soient lancées. Et il y a tant d'autres choses qu’ils n’ont plus à gérer avec le Chromebook. C'est ce qui fait notre force : une accessibilité facile, une accessibilité efficace, une accessibilité ciblée, pour que les gens puissent être productifs. Nous ne voulons pas qu’ils soient frustrés.
Bertrand Viala : Eh bien, tu sais, je suis heureux que tu parles d'efficacité parce que c'est notre positionnement aussi. Je veux dire qu'on peut avoir des besoins technologiques exprimés, on peut avoir la notion d'être durable en utilisant les outils numériques. Mais il faut que ce soit efficace. Il n'y a aucun intérêt à fournir quelque chose qui ne va pas fonctionner parce que vous allez générer plus d'exclusion, plus de frustration. Je suis très heureux d'entendre que nous avons le même message des deux côtés de l'Atlantique, ce qui m'amène à te poser deux autres questions que je n'avais pas prévues.
Danielle Redmond : Tu veux que je vienne en France ?
Bertrand Viala : Oh, pourquoi pas ! Eh bien, oui, nous t’attendons ici. Je veux dire, il suffit d'aller à l'aéroport. Nous allons t’attendre ici. Je veux dire, on est là. Tu sais où nous sommes. Tu peux chercher sur Google, prendre un avion et on vient te chercher à l'aéroport. Je veux dire, qu'est-ce que tu attends ? Je pense qu'il y a un vol ce soir. J'en suis sûr. Donc prends l'avion et on va s'occuper de toi et faire des activités sympathiques ici en France.
Danielle Redmond : J'ai beaucoup de connaissances que je pourrai partager pour aider à améliorer ce qui peut l’être.
Bertrand Viala : Oui nous avons beaucoup de choses en cours à ce niveau. Je pense que ce sera certainement quelque chose dont nous aimerions parler avec nos partenaires locaux en France. Ils seraient intéressés par un échange sur l'utilisation des dispositifs technologiques dans les efforts engagés contre la pauvreté et l'illectronisme en termes de facteurs d'exclusion sociale. Cela m'amène à une autre question. En effet, tu as parlé de la redistribution de matériel informatique, d'ordinateurs portables, de Chromebooks ou de PC mais également des personnes dans le besoin, les personnes qui en auraient besoin pour prendre leur autonomie dans la nouvelle économie. Donc, existe-t-il un système, à ta connaissance, dans ta communauté où du matériel collecté auprès d'une entreprise par exemple, puis examiné, nettoyé, réorganisé et reconditionné pour être donné à de nouveaux propriétaires dans ces communautés qui ne peuvent pas se permettre de payer le prix total du nouveau matériel? Est-ce que le système est déjà en place ou est-ce vous qui le faites étape par étape ou au cas par cas ? C'est une organisation très systématique ou d'autres organisations caritatives spécialisées dans le reconditionnement de ce matériel s’en chargent ?
Danielle Redmond : Certaines organisations s'en occupent maintenant. Nous avons acheté beaucoup de nos ordinateurs de bureau à une compagnie d'assurance qui était en liquidation, et ils avaient beaucoup de disques durs verrouillés et d'autres choses. Il était donc très difficile d'y avoir accès. J'ai dû les effacer.
Bertrand Viala : Tu l’as fait toute seule ?
Danielle Redmond : Oui j’ai dû le faire. J'ai tout fait. Oui.
Bertrand Viala : Wow.
Danielle Redmond : Je les ai nettoyés. Donc c'est ce que je te dis, beaucoup d'organisations n’ont pas de multi-compétences comme la mienne. Elles ont probablement cinq ou six personnes qui font toutes les tâches. Et les choses que je fais, je les apprises par moi-même. J'ai fondé cette organisation en partant de peu. Je l'ai lancée, je la maintiens et je la fais croître, et cela s'est fait de manière naturelle. Donc il n'y avait pas de modèle ou quoi que ce soit. C'était juste, hey, nous cherchons, nous essayons, c'est notre vision. Nous voulons créer cette pièce où nous pourrons avoir un laboratoire informatique, etc. Alors comment on les trouve ? Lorsque nous les avons tous obtenus, nous n'avons pas été en mesure de les utiliser tout de suite parce que nous n'avions pas l'espace complet que nous avons maintenant, qui est un espace de vente de 232m2 compartimenté avec différentes pièces comme des salles de classe ou des salles de réunion. C'est donc là que se trouve mon bureau.
J'ai mon bureau là aussi, mais nous avions le matériel avant d'avoir une vision complète. Mais une fois que nous avons été en mesure d’avoir notre espace, nous avons été en mesure de reconditionner le matériel informatique. Et j'ai commencé à montrer le processus de reconditionnement à certains de nos lycéens qui vont se spécialiser en informatique au lycée ou à l'université. J'ai pu commencer à leur montrer comment les nettoyer, les reformater et recharger le système d'exploitation, etc. parce que j'ai dû supprimer complètement le disque dur et les partitions.
Bertrand Viala : Oui c'est important quand tu as du nouveau matériel. Oui, c'est très important. On ne peut pas simplement supprimer les données personnelles et ensuite faire circuler le matériel informatique de personne en personne. Et je sais qu'aux États-Unis comme en France et dans l'UE, que l'on la responsabilité légale de protéger et supprimer ces données.
Danielle Redmond : Oui, c'est la vie privée.
Bertrand Viala : Oui, c'est la vie privée. Exactement ! Donc c'est très bien parce que ça veut dire qu'il y a un système mais vous vous débrouillez plus ou moins toute seule dans ce cas-là. Dans notre situation ici en France, nous discutons avec des organisations qui ont comme spécialité à la fois la capacité de reconditionner, réorganiser, effacer, et nettoyer tous ces matériaux. Et d'autres organisations sont spécialisées en tant que structures de l’ESS dans la distribution avec l'aide des services sociaux ou des bureaux gouvernementaux dans les régions ou les municipalités aux personnes qui en ont besoin. L'un des dangers est que des gens récupèrent ce matériel et le revendent à des personnes qui n'en ont pas besoin. Il faut donc s'assurer que le matériel soit correctement reconditionnés et qu'il soit distribué aux personnes qui en ont réellement besoin. Et vous ne voulez pas aider des gens qui peuvent se permettre d’acheter ce matériel à un prix normal.
Danielle Redmond : Oui, il y a des sociétés comme Geek Squad qui sont spécialisées dans ce domaine. Mais il y a d'autres organisations et groupes aussi, parce qu'ils ont quelqu'un qui a une formation en technologie, et qui le fera pour eux en tant que bénévole.
Bertrand Viala : Eh bien, je suppose que, bien sûr aux États-Unis, un pays si grand et différent d'un État à l'autre, qu’il y a des entreprises de ce type. Et en Europe, cela dépend des pays, mais aussi des banques régionales.
Danielle Redmond : Oh, le gouvernement ?
Bertrand Viala : Oui, en France, vous avez des fondations nationales qui ont leur siège à Paris avec des représentants au niveau local. Il y a donc plus ou moins une sorte de cohérence au niveau national. Mais bien sûr, nous parlons d'un territoire beaucoup plus petit ici. Il est donc intéressant de voir la diversité des situations pour traiter le même type de problème. J'aimerais vous poser une question à ce sujet, car lorsque nous avons parlé de ces exemples avec votre association, nous avons essentiellement abordé le facteur de l’illectronisme dans les communautés touchées par la pauvreté, que ce soit en France ou aux États-Unis. Je veux dire que nous comprenons que l’illectronisme est bien sûr un problème. Et les exclusions sont de plus en plus nombreuses et parfois pas nécessairement liées aux revenus, mais à la capacité à utiliser les outils numériques.
Ainsi, en France, certaines recherches ont montré que beaucoup de personnes qui sont touchées par l’illectronisme et qui ne peuvent pas exercer leurs droits sont des personnes avec statut social élevé mais âgées. Donc, globalement elles se perdent dans le système parce qu'elles ne peuvent pas accéder aux systèmes en ligne, elles ne peuvent plus accéder à leur numéro de sécurité sociale parce qu'elles ne savent pas comment gérer tous les mots de passe car elles ne font pas partie de cette génération hyper connectée. Et les plus jeunes aussi, mais potentiellement la plupart d'entre eux à cause du manque d'éducation au numérique dans les communautés frappées par la pauvreté.
Danielle Redmond : Oh, tu penses que tout comme la pauvreté peut être « héréditaire » dans un sens, elle peut aussi être générationnelle et qu’il en est de même pour l’illectronisme. Il peut être générationnel.
Bertrand Viala : Oui. Comment cela fonctionne-t-il dans ta communauté ? Je veux dire, quelle est l'interaction entre l'exclusion sociale, l’illectronisme, le niveau d'éducation, et les actions que vous menez ? Est-ce que tous ces facteurs sont liés ou au contraire ils n’ont aucun lien? Comment cela fonctionne-t-il dans ta communauté ?
Danielle Redmond : C'est une partie du modèle de construction de l'autosuffisance. Et l'autosuffisance n'est pas seulement une question d'économie, il s'agit aussi d'avoir accès aux outils, d'avoir accès à quelqu'un pour vous aider, d'avoir des repères pour vous aider. Nous avons ces trois enfants dans notre association. Ils vont vous aider, ils vont vous permettre de vous connecter. Ils peuvent vous imprimer un document pour que vous écriviez vos mots de passe. Ils peuvent faire ces choses pour vous. Donc, il s'agit d'avoir ces repères en place pour le numérique. Hum, quel est le terme ?
Bertrand Viala : L'illectronisme.
Danielle Redmond : Oui, mais c'est plus que ça. C'est comme lorsque vous montez des escaliers et que vous avez cette balustrade pour vous aider à vous tenir pendant que vous montez. Et à chaque fois vous apprenez quelque chose. Vous avez toujours un appui juste là pour vous aider à monter. Vous ne vous contentez pas de monter les escaliers sans aide ou de les descendre. Dans votre cheminement, vous gardez un rythme constant qui peut vous aider à avancer dans les deux sens. Dans les deux cas, tu as besoin d’avancer.
Bertrand Viala : Oui, exactement. Donc être un appui, ce n'est pas seulement recevoir une aide financière ou matérielle. Il s'agit de montrer le cheminement et de montrer comment y arriver. Et cela m'amène à ma dernière question.
Danielle Redmond : Oui être réceptif est aussi possible lorsque l’on a un esprit ouvert. Vous ne pouvez pas avoir un état d'esprit figé parce qu'une partie de votre progression consiste à avoir un esprit ouvert et que vous voulez progresser. Vous devez être prêt à grandir. Vous devez être prêt à quitter cette condition. Vous devez être prêt à vous familiariser avec le numérique, depuis les notions de base jusqu'au niveau que vous voulez atteindre. Vous devez être prêt parce que rien de ce qui se passe ne peut se produire si vous rejetez cette opportunité.
Bertrand Viala : Cela fait partie du processus où l’on réintègre dans le système les personnes qui se sentent exclues, sans qu’elles se sentent intimidées ou obligées de le faire parce que d'une certaine façon, elles le sont. Donc, lorsque nous acceptons ce changement, il y a beaucoup d'éducation ou de gestion du changement à mettre en place et cela m'amène à ma question. Lorsque vous livrez ces Chromebooks à ces familles qui répondent à leurs besoins qui est de se connecter. Donc ils peuvent le faire, ils peuvent accéder à un emploi ou ils peuvent faire toutes leurs démarches en ligne. Est-ce que vous leur donnez, je suis sûr que vous leur donnez, un peu d'éducation sur la façon d'utiliser l'outil ou une certaine stratégie pour utiliser l'outil? Cela fait-il partie d'un programme plus large, potentiellement géré par la communauté ou potentiellement subventionné par la municipalité ou les autorités locales pour que ces personnes ne se contentent pas juste d'avoir un ordinateur ? Et qu'elles ne finissent pas par jouer à Candy Crush, mais qu'elles finissent par avoir une stratégie d’utilisation et qu'elles deviennent suffisamment instruites pour que cela leur soit utile. Alors, comment cela fonctionne-t-il ?
Danielle Redmond : Il y a beaucoup de ressources disponibles, mais la première chose que les gens font quand ils l'ont, c'est de prendre leur téléphone et de regarder sur YouTube.
Bertrand Viala : Non !
Danielle Redmond : Oui, c'est vrai.
Bertrand Viala : Non !
Danielle Redmond : C'est la réalité.
Bertrand Viala : Tu sais, finalement, je ne suis pas surpris.
Danielle Redmond : Nous avons également des moyens de diffuser notre communication. Nous avons une newsletter, nous utilisons les SMS. Nous leur envoyons des textos et nous pouvons ainsi leur donner des liens vers des ressources pour faire ceci et cela. Et cette information est fiable. C’est ce que nous voulons. Nous ne les submergeons pas, nous leur montrons simplement. Et aussi, nous avons un suivi social aussi. Nous partageons donc ces informations avec eux, afin qu'ils sachent toujours quel canal de communication ils peuvent utiliser pour obtenir les informations dont ils ont besoin pour faire ce qu'ils ont à faire. Donc, ils peuvent le faire depuis leur téléphone ou depuis leur Chromebook. Nous leur donnons une version par SMS et ils peuvent également utiliser nos réseaux sociaux comme base d'information. Ensuite, notre site Web reflète nos réseaux sociaux. Ce qui se passe, c'est que deux pages sont appelées « page vamp » comme vampire et elles reflètent nos réseaux sociaux. Ainsi, tout ce que nous publions sur nos réseaux sociaux apparaît également sur le site Web. Ainsi, il est toujours à jour.
Bertrand Viala : Peux-tu partager ce site web avec Solyne ? Ainsi, nous pourrons également y jeter un coup d'œil. Ça a l'air vraiment intéressant parce que je ne suis pas sûr qu'on ait trouvé beaucoup de ressources sur ce sujet, donc on aimerait bien. En fait, l'idée est que si l'on résume le tout, il y a deux piliers pour une gestion de communauté réussie et si l'on intègre la notion d'autonomie par rapport au numérique, et la chose la plus importante, et ce n'est pas surprenant, est l'éducation. Es-tu d'accord avec cela ?
Danielle Redmond : Oui.
Bertrand Viala : Et le numéro deux, serait l'engagement des bénévoles. Je veux dire que sans cela, il n'y a pas de bien commun, sans cela, il n'y a pas de progrès. Il n'y a pas de motivation. Je ne pense pas que les gens puissent être motivés en regardant simplement des vidéos et des tutoriels sur YouTube. Je veux dire qu'ils ont besoin d'avoir une personne en face d'eux qui les guidera dans ce qu'ils doivent faire, s'ils ont besoin de progresser dans leurs compétences en matière de culture numérique ou autre.
Danielle Redmond : Tu vas sur YouTube et ça te dit comment nettoyer ta chambre. Pas vrai ? Parce qu'ensuite ta mère vient, et te dit de ranger ta chambre, d'accord ? Et donc tu penses à comment cette conversation va se dérouler.
Bertrand Viala : J'adore cet exemple. Quand je pense à ma mère qui me dit de ranger ma chambre, c'était certainement à l'époque où je n'avais pas YouTube quand j'étais enfant. Tu connais mon âge. Mais je ne peux pas imaginer une vidéo YouTube sur ça. Ce que nous avions à l'époque c’était la cassette, tu sais, le lecteur de cassette me disant de nettoyer ma chambre.
Danielle Redmond : Qui te dit comment le faire.
Bertrand Viala : Oui, exactement ! Avec autant d'efficacité et ce ton autoritaire que ma mère avait. Donc définitivement, YouTube ne m’aurait pas aidé dans le nettoyage de ma chambre.
Danielle Redmond : Il ne sait même pas ce qu'il faut nettoyer dans ta chambre !
Bertrand Viala : Oui, exactement !
Danielle Redmond : Il n’y a pas de contexte. YouTube n'a aucune idée de la façon dont ta chambre est disposée.
Bertrand Viala : J'adore cet exemple Danielle, parce que nous résumons comment, parfois, la surabondance d'outils technologiques en ligne, mène en fait à quelque chose qui n'est pas cohérent parce qu'il n'y a aucun contexte. Il ne se connecte pas à vous en tant que personne. Il vous donne juste une perspective. Et je pense que cet exemple, si tu m'autorises à l'utiliser, je vais l’utiliser en France. Nous allons te citer systématiquement. Alors sois en sûre.
Danielle Redmond : YouTube va dire : "Nettoyez sous ce lit. Mettez ces vêtements dans les deux piles. Nettoyez tout ce qui est sale. Accrochez ces choses ici. Mettez vos chaussures là. Jetez cette poubelle". Et tu sais ce n’est pas de l’accompagnement personnalisé avec une personne qui te connaît, qui connaît le contexte, qui connaît ta chambre, ton désordre, qui te connaît. Elle sait comment elle veut que ce soit et comment ça devrait être. Elle connaît donc l'objectif final et l'a en tête lorsqu'elle te le dit. Il est donc bon d'avoir ce soutien humain personnalisé.
Bertrand Viala : Je sens qu'une mère parle.
Danielle Redmond : Absolument !
Bertrand Viala : Et je suis sûr que les mères comprennent cela, et je peux vous dire que ma mère de 76 ans, quand elle vient chez moi, me dit de faire ceci ou cela. Aucun tutoriel sur YouTube sur la gestion d’une maison ne peut être aussi efficace qu'une visite de ma mère, même si elle a 76 ans. Donc oui, tu as raison. Et j'adore ton exemple. C'est tellement inspirant. Donc, pour en venir à cela, qu'est-ce qui va se passer en 2023 pour ton organisation ? Qu'est-ce qui est à l'ordre du jour ? Je veux dire, avez-vous des problèmes spécifiques que vous allez traiter ? Quel est le problème que vous voulez résoudre en 2023 parce que vous en avez tellement ?
Danielle Redmond : Eh bien, en 2023, j'aimerais qu'on s'associe avec d'autres organisations qui vont gérer les cas de certaines familles qui sont prêtes. Elles auront des sessions mensuelles qui leur donneront des informations sur tout ce dont elles ont besoin pour être autonomes. Et ça va être directement en accord avec leurs objectifs. Donc, le but est d'avoir 3000 familles autonomes d'ici 2030.
Bertrand Viala : Wow !
Danielle Redmond : Et donc, toutes les organisations partenaires s’occupent des familles qui sont dans nos communautés locales. Et ensuite nous les recensons toutes et nous les mettons en relation avec nos bénévoles pour aider ces familles. Donc, quand nous faisons cela, ils vont recevoir de l'aide pour apprendre à faire un budget, ils vont recevoir de l'aide pour préparer leur crédit pour acheter auprès des banques. Nous les aidons avec l'achat de maison et obtenir de l'aide pour le paiement initial et les frais de clôture et bien plus encore. Mais ce qui se passe, c'est qu'on va les rencontrer dès le début là où ils sont et on va se baser sur les objectifs qu'ils ont fixés. Nous allons les aider à se construire pour qu’ils atteignent ces objectifs et les accompagner sur l'ensemble du processus. Les familles auront un rendez-vous mensuel. Elles se rendront à des sessions mensuelles pour obtenir le soutien nécessaire à la réalisation de leurs objectifs. C'est donc un élément important.
Une autre chose importante, c'est que j'essaie d'appliquer ce que nous faisons à d'autres communautés. J'ai ouvert un centre de développement communautaire et un autre, dans une partie plus au Sud de la Caroline, plus proche de la côte et où il y a aussi une extrême pauvreté générationnelle. Donc, j'en ai ouvert un là-bas. Et ils le font de manière phénoménale. Mais je pense vraiment que beaucoup de gens ont besoin de ces informations, et c'est ce que j'ai fait. J'ai rassemblé tout cela, j'ai observé et j'ai été sensible à ce que je voyais et à ce que j'entendais, et à ce que les gens étaient prêts à partager avec moi pour les aider à s'améliorer. C'est ce que je vois pour sûr, les emmener sur la route et les aider à construire des communautés qui ne sont pas touchées par l’illectronisme, plus autonomes, et centrées sur la famille.
Bertrand Viala : Wow, c'est une cause très noble et je pense que ça en vaut vraiment la peine parce que ça va faire tellement de bien aux communautés et surtout dans le monde actuel. Je veux dire, ramener ces valeurs de la famille et l'amener aussi en termes d’illectronisme comme un ensemble de compétences clés pour la vie. C'est tellement important. Sur cette note, je voudrais vous remercier encore une fois, Danielle, tu es inspirante.
Danielle Redmond : Tout le plaisir est pour moi !
Bertrand Viala : C'était une interview très enrichissante. Et j'espère vraiment que tu prendras cet avion un jour et parmi tous tes projets tu viendras nous voir en France avant que nous nous déplacions pour venir te rencontrer. Nous en serions ravis. Alors, merci beaucoup. Merci beaucoup Danielle. Ce fut un plaisir et nous sommes impatients de te revoir.
Danielle Redmond : Grazie.
Bertrand Viala : Grazie ? C'est de l'italien ça me va aussi. Si tu veux, on peut parler dans une autre langue.
Danielle Redmond : Merci.
Bertrand Viala : Merci ? OK, désolé, je pensais que tu avais dit grazie.
Danielle Redmond : J'ai dit les deux. J'ai dit les deux. J'ai dit grazie. Et je peux le dire en espagnol aussi. Gracias.
Bertrand Viala : Eh bien, l’interview s’achève et merci beaucoup, Danielle ! Au plaisir d’échanger à nouveau.