L'Orage

Lutte paysanne et défis environnementaux

ORA-RAO Episode 4

Allo, du feedback et du love ✊

L'agriculture peut-elle vraiment prospérer dans un système capitaliste ou anarchiste? À l'occasion du festival Constellation, nous explorons cette question cruciale avec nos invités Gaël, ancienne maraîchère bio, Noémie, syndicaliste à l'IWW, et MIMS du CRAPAUD. Ensemble, nous discutons des luttes pour la subsistance collective face à l'exploitation et l'importance de la terre dans la critique du capitalisme. Nous témoignons également de notre soutien aux luttes décoloniales et contre les pratiques génocidaires à travers le monde.

Nous plongeons ensuite dans les grandes ruptures historiques de l'agriculture, de la privatisation des terres communes en Angleterre à l'impact destructeur de la Révolution verte. Pourquoi la transition vers l'agriculture productiviste a-t-elle des conséquences si désastreuses sur la biodiversité et le climat? Nous abordons également les défis et opportunités de l'agriculture urbaine, notamment la réappropriation des espaces verts et la création de jardins collectifs en milieu urbain. Des initiatives comme celles du Crapaud à l'UQAM montrent comment l'agriculture urbaine peut s'intégrer dans le tissu social en restant vigilante face à la gentrification.

Enfin, nous discutons des modèles de panier familial et des défis que rencontrent les petites fermes locales face à des entreprises comme Lufa. Comment diversifier les syndicats agricoles au Québec et renforcer les liens entre les petites fermes biologiques et l'agriculture urbaine pour une lutte efficace contre le capitalisme? En politisant le jardinage et en multipliant les initiatives collectives, nous visons à bâtir un monde plus résilient face aux défis climatiques et économiques. Rejoignez-nous pour cette discussion essentielle et inspirante. Bonne écoute!

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Host:

Salut, bienvenue sur l'Orage, le podcast de l'organisation révolutionnaire anarchiste. Après une petite pause estivale, on sort cet épisode à l'occasion du congrès de l'organisation qui se tient le 24 et 25 août 2024. C'est un épisode aussi spécial, car c'est le premier qu'on a enregistré publiquement. C'était lors du festival Constellation, le 25 mai dernier. Dans cet épisode, on va parler d'agriculture au sein du capitalisme, avec des militants, des activistes et des agricultrices. Alors, bonne écoute et à très vite.

Host:

Bienvenue tout le monde pour ce podcast dédié au travail agricole, à l'agriculture. On l'a sous-nommé, "entre espoir de subsistance collective et exploitation, parce qu'on va parler de tous ces enjeux-là aujourd'hui. Merci à nos invités, à toutes les personnes qui vont parler, merci à vous. Je suis accompagné aujourd'hui de Gaël, qui était exploitante agricole, maraîchère bio à Repentigny pendant trois ans, qui a fait un mémoire critique sur le modèle bio-intensif et les modèles agricoles en général. En ce moment, on va parler pas mal de constats agricoles avec elle, avec Noémie, syndicaliste à l'IWW depuis 2017, qui travaille sur les questions des travailleuses et travailleurs temporaires immigrants. On parlera aussi du travail agricole qui est fait beaucoup au Québec par les personnes venant du Sud, et avec MIMS du CRAPAUD, de l'UQAM plus, pour parler des enjeux d'agriculture communautaire, d'agriculture urbaine et militante. Donc, je tenais déjà à remercier toutes les organisateuristes de Constellation.

Host:

Merci aux invités, merci Istvan pour tout ça, à toutes celles et ceux qui font la bouffe, qui tiennent des stands, etc. Pour faire ce festival anarchiste. J'aurais un mot aussi pour remercier toutes les personnes qui s'impliquent en ce moment dans les campements contre le génocide qui se passe en Palestine. Merci pour leur énergie collective, merci pour leur force apporter du soutien, apporter du soin. Aussi, le podcast de l'orage. C'est un podcast francophone qui parle d'anarchisme, qui parlent des milieux et des luttes anarchistes. On est principalement tou s des habitantes de Tiohtià:ke.

Host:

Donc, je trouvais ça important aussi de rappeler qu'on supporte et qu'on apporte notre soutien aux luttes décoloniales, d'ici et d'ailleurs, aux luttes des premières habitantes et premiers habitants face aux crimes incessants de vol, de fraude, d'abus et de dépossession. En tant qu'anarchistes, écologistes, paysans, paysannes, nous voulons affirmer ici aussi notre soutien aux luttes contre le déploiement étatique de pratiques génocidaires fondées sur l'exclusion et l'assimilation forcée des communautés autochtones. On se doit aussi de reconnaître qu'on a des pratiques et parfois des envies qui vont dans le sens colonial et notamment, quand on parle d'agriculture, quand on parle de reprise de terre je pense qu'on va en parler un petit peu aujourd'hui c'est quelque chose qu'il faut questionner au sein même de nos milieux libertaires. Donc, l'anticapitalisme et les pratiques de subsistance autonome ne peuvent être séparées de l'anticolonialisme. Pour ce qui est du format, on va essayer de vous faire participer.

Host:

Donc, je vais commencer par un petit peu introduire le sujet. Pourquoi on parle d'agriculture dans un festival anarchiste? A mon sens, c'est un peu difficile de passer à côté de la question de la terre et de l'agriculture si on veut une critique efficace du capitalisme. On va déjà rappeler que le système d'exploitation actuel prend sa source dans l'accumulation primitive, dans l'expropriation et la dépossession des peuples ne sont pas des événements passés, mais aussi des réalités d'aujourd'hui. Il faut nous organiser pour contrer les gouvernements et les capitalistes dans leur dynamique d'appropriation et de dépossession.

Host:

En réaction à cette dépossession généralisée, ça fait quand même pas mal d'années qu'on entend parler dans nos milieux de retourrise de terre, de réapprendre des savoir-faire cruciaux pour l'autonomie. Il y a quand même pas mal de amis qui partent en région ou qui se mettent au jardinage, même ici, en espérant retrouver un petit peu plus d'autonomie. Il y a aussi l'agriculture bio qui prend de l'essor au soi-disant Québec, notamment, avec une pensée qu'on peut qualifier de petite bourgeoise, de faire des modèles bien écol, rentable économiquement. Il ne faut pas oublier que, sous ces belles images de fermes dans les cantons de l'Est, la majorité des fermes qui produisent des végétaux, donc on va principalement parler aujourd'hui des personnes qui produisent des céréales no-transcript à cause des pressions des marchés capitalistes. Pour toutes ces raisons, on voulait discuter avec vous et avec les intervenantes et intervenants de ces réalités du travail agricole et des horizons de dépassement pour une autonomie, construire ensemble et sans les capitalistes.

Host:

En ce qui concerne le format, on va essayer de faire comme trois grosses parties Une partie sur le constat d'aujourd'hui, puis ensuite sur les réactions, les luttes qui se passent, et on va essayer de rêver un petit peu sur la fin, pour voir quels sont les modèles de dépassement, qu'est-ce que ça pourrait être un travail agricole émancipateur de subsistance collective et autonome, donc d'être là. Et je pense qu'on va commencer avec des questions un peu spécifiques pour introduire nos invités. Donc, je vais commencer par Gaëlle. J'ai une question pour toi Est-ce que tu pourrais faire un bref historique des ruptures de l'agriculture en lien avec le capitalisme? et c'est quoi le panorama actuel dans la production de nourriture dans les pays occidentaux, et plus précisément au soi-disant Québec?

Gael:

Ok, une question très, très simple. Bonjour, merci beaucoup de m'avoir invitée ici. Quand on parle de rupture, en fait, c'est un petit peu un retour historique sur comment l'agriculture s'est construite, parce que c'est pas juste des paysans avec des beaux arbres et des beaux papillons. L'agriculture, elle, est liée à l'histoire du capitalisme et de la propriété privée, depuis le début de ce système économique-là. Donc, on peut parler effectivement de trois ruptures. Ça va être un peu universitaire, désolée, j'ai fait mon mémoire là-dessus, mais en gros, ça a commencé. On est sorti un peu de l'agriculture de subsistance, qui est encore majoritaire dans la plupart des pays du Sud, qui nourrit la majorité de la population mondiale encore. Mais dans les pays occidentaux, la première rupture par rapport à cette agriculture de subsistance, ça a été vraiment la dépossession des paysans des terres communes en Angleterre, avec les enclosures. Donc, c'est vraiment le système capitaliste qui s'est créé sur la dépossession de ces terres-là, où les paysans fonctionnaient ensemble, se donnaient des champs quand il y en avait besoin, avaient des endroits où ils pouvaient tous ramasser de façon collective.

Gael:

Donc, on a privatisé ces terres-là, on les a dépossédées de ça et on leur a demandé de payer un loyer pour pouvoir les utiliser, ce qui a amené la première phase d'ouvriers agricoles qui devaient être exploités pour sortir un salaire, pour pouvoir se nourrir, et non plus être indépendants et autonomes dans leur propre subsistance. Mais ça ne nous a pas suffi. En Europe, on a des petits pays. Ça ne nous suffisait pas. Donc, on est allés voir ailleurs et on a fait une deuxième rupture, qui était la colonisation d'énormes terres qu'on a considérées comme étant vierges, qui étaient pourtant habitées et cultivées à leur manière, par plein de populations différentes, plein de peuples différents. Donc, cette autre rupture, qui s'est passée vraiment dans le siècle suivant, au XVIIIe siècle, on le connaît tous en Amérique du Nord, en Afrique, en Amérique du Sud, on le connaît tous en Amérique du Nord, en Afrique, en Amérique du Sud, où on a vraiment utilisé ces immenses cités-là pour pouvoir faire une agriculture complètement extensive.

Gael:

Donc, ça veut dire qu'on ne réfléchissait pas à ce qu'on détruisait, on ne réfléchissait pas à la productivité de ce qu'on faisait. On faisait juste des immenses champs, on déforestait, on sortait des populations de ces paysages-là pour pouvoir réimporter des céréales, des marchandises, du coton, etc. Dans les pays d'Europe et donc construire la richesse de ces pays-là là-dessus. Et puis, la dernière rupture, qui est un peu plus récente, mais qui a encore ses effets très violents. Chez nous, c'est la Révolution verte, où non seulement on est resté dans ces pays-là, mais en plus on a voulu leur imposer une agriculture productiviste, extrêmement mécanisée, extrêmement combustible, basée sur le fossile et les autres combustibles, où on a rendu dépendants complètement tous les petits paysans qui persistaient à des semences qui ne pouvaient pas se reproduire, à des semences qu'il fallait racheter à tous les ans. Donc, on recrée une autre dépendance financière auprès de toutes ces populations-là, sur des terres qui deviennent de plus en plus appauvries, qui ont besoin de plus en plus d'apports, qui sont externes, qui sont encore liés, encore une fois, aux combustibles fossiles, tout fossiles, tout ça pour porter cette marchandisation vers l'exportation mondialisée. Donc, on arrive vraiment aujourd'hui là. Tu me demandais un peu un point de vue actuel.

Gael:

L'agriculture, aujourd'hui, c'est une des premières raisons pour laquelle les changements climatiques arrivent la perte de biodiversité. On est à une perte de 67% des espèces liées à la production agricole en ce moment dans le monde. Et cette agriculture conventionnelle dont tu parlais, elle est majoritaire, elle est grandement majoritaire, elle est imposée dans la plupart des pays et elle est rarement faite pour la subsistance à l'intérieur de ces régions-là, tout est basé sur de la production intensive, notamment pour nourrir du bétail dans des conditions complètement atroces. Donc, on en est là, c'est un constat assez apeurant, que ce soit pour l'exploitation des peuples, des écosystèmes et de toutes les forces géo-biochimiques de notre planète.

Gael:

Et au Québec, effectivement, il y a un petit renouveau depuis quand même les années 60-70, avec un mouvement bio qui s'est construit sur de la solidarité. Il y a des fermes bio qui persistent depuis quand même de nombreuses années et qui ont un format familial sur courte échelle, qui se fait un peu prendre par une nouvelle vague depuis les années 2000, avec notre cher Jean-Martin Fortier, qui est un entrepreneur star de l'agriculture bio rentable, qui nous a promis de sortir un salaire de classe moyenne avec moins d'un hectare. Ça a motivé beaucoup de jeunes, c'est tant mieux. Ça a donné l'impression que c'était possible pour beaucoup de générations, c'est tant mieux. Mais c'est un modèle qui, encore une fois, n'est pas viable, qui est encore basé sur des intrants externes très, très importants. On pourra en parler de façon plus approfondie, mais pour l'avoir testé, c'est pas nécessairement. Je ne dis pas du tout que je connais complètement la situation au Québec, vous pouvez l'entendre, je suis française. Je vais m'arrêter là, mais voici ma petite vision.

Host:

Merci pour ce petit panorama actuel. On parlera de ton expérience dans une ferme dans laquelle tu as travaillé en coopérative pendant 4 ans Maintenant. Tu parlais de comment on est venu à faire la révolution verte, d'être dépendant des engrais et du travail pas cher. Je pense que c'est un aspect vraiment important que des ouvriers et ouvrières agricoles soient vraiment payés très peu cher, ce qui attire vraiment très peu de personnes à travailler dans ces milieux, et souvent, les fermiers conventionnels qui produisent des céréales, des légumineuses et des légumes font appel du coup à des personnes migrantes avec des visas très, très précaires. Ça, noé, est-ce que tu pourrais nous en parler un petit peu?

Noe:

Oui, absolument, en fait. D'abord, ce qu'il faut comprendre, c'est que le mouvement de population de faire venir des travailleurs migrants pour travailler dans les champs, ce n'est pas un phénomène qui est nouveau. Le premier programme en agriculture qui faisait venir des travailleurs migrants date de 1966. Ce programme-là est toujours en vigueur, sensiblement inchangé depuis. Donc, c'est des programmes qui font déplacer des gens pour une période temporaire qui va de quelques mois à un maximum de neuf mois par année pour les programmes spécifiques de travailleurs agricoles saisonniers. Puis, les gens viennent ici avec un permis de travail fermé, c'est-à-dire qu'ils ne peuvent pas changer d'employeur. En fait, il a fallu attendre jusqu'à 2019 pour que le gouvernement crée une alternative, parce qu'en fait, le permis de travail fermé est très Pardon, ça m'a déconcentrée. Le permis de travail fermé crée un rapport de pouvoir qui est extrêmement disproportionné, en fait, entre les travailleurs travailleuses et les employeurs, parce que, bon, les gens sont coincés. Là, on est vraiment dans un nouveau rapport de servage, en fait. Donc, les gens sont coincés, ils peuvent pas changer d'emploi, sinon ils risquent de perdre leur statut d'immigration, se retrouver sans papiers sur le territoire canadien. Puis ça, c'est un phénomène qui est quand même assez commun. Donc, donc, voilà, en 2019, le gouvernement a créé la première alternative, en fait, qui permet aux travailleurs de changer d'emploi. Ça s'appelle le permis de travail ouvert pour travailleurs vulnérables. C'est en fait les travailleurs et travailleuses qui vivent des violences sur le milieu de travail et qui sont en mesure de le démontrer, pour avoir des preuves qu'on vit de la violence sur son milieu de travail, peuvent obtenir de la part du gouvernement un permis qui leur permet de travailler pour n'importe quel employeur de leur choix pendant un an. Bon, tout ça a causé plein d'autres problèmes, parce que le permis de travail ouvert pour travailleurs vulnérables ne donne pas nécessairement accès à la RAMQ, ne donne pas nécessairement accès à un logement, parce qu'en fait, quand les gens viennent travailler sur nos terres, ils arrivent ici, ils ont un logement fourni par l'employeur. Donc, quand vous allez sur des productions agricoles, vous allez voir en arrière, les petites maisons, les petites cabanes. C'est généralement les maisons des travailleurs étrangers temporaires. Donc, ils ont une maison. L'employeur doit fournir des assurances privées pour les trois premiers mois. Ensuite, ils ont accès à la RAMQ en théorie, mais là, quand on sort, on s'extrait de ce programme-là, mais là on se retrouve sans logement. Il faut retrouver un emploi sur le marché régulier, donc, il faut faire ses CV, aller porter.

Noe:

Il y a quand même beaucoup de barrières culturelles qui ne sont peut-être pas nécessairement évidentes à surmonter pour certaines personnes. En termes de problématiques, on voit de tout sur nos exploitations agricoles. On parle de non-paiement de salaire, évidemment, non-paiement des heures supplémentaires, parce que ça n'existe pas dans le domaine agricole, les heures supplémentaires. Il y a des enjeux de harcèlement, harcèlement psychologique, harcèlement sexuel, beaucoup de cas d'agression sexuelle en milieu de travail, parce que t'es coincé là, tu peux pas t'en aller. Donc, encore une fois, on est dans un nouveau rapport d'esclavage, de servitude et d'esclavage aussi, carrément. Donc voilà, il y a beaucoup d'enjeux de violences physiques en milieu de travail, des accidents de travail qui sont pas déclarés par l'employeur, des employeurs qui refusent d'emmener les travailleurs à l'hôpital quand ils sont malades ou blessés, des conditions de travail dangereuses, exposition aux pesticides, tout ce genre de choses-là.

Noe:

Puis, évidemment, les gens viennent des pays du Sud. Généralement, les travailleurs agricoles viennent de l'Amérique latine, guatemala, mexique surtout, mais on voit que ça s'étend de plus en plus à différents états. Donc, il y a les barrières linguistiques aussi qui font que ça complexifie. On est super isolé géographiquement. Donc, il y a beaucoup, beaucoup de problèmes de santé mentale chez les travailleurs étranges, temporaires, parce que, bon, tu es loin de ta famille pendant neuf mois, tu ne vois pas tes enfants. Ce n'est pas évident. Ce ne sont pas des conditions qui sont très favorables.

Noe:

Puis, tantôt, gaëlle parlait de dépossession des terres. En fait, on voit exactement ce même phénomène-là justement en Amérique latine Mexique, guatemala, honduras où nos minières canadiennes vont là-bas exproprier des paysans de leurs terres. Donc, les gens sont obligés de se déplacer en ville. Il n'y a pas nécessairement d'emploi pour tout le monde. Donc, ultimement, les gens se retrouvent à être incité, en fait, à venir travailler dans nos champs ici, parce que, bon, tant qu'on peut pas délocaliser la production, on va délocaliser les travailleurs travailleuses pour être en mesure de maintenir les coûts faibles. Donc donc, ça ressemble un peu à ça, c'est un peu décousu mon truc, mais tu parles vraiment du sud du québec, généralement sur montérégieest en Montérégie.

Host:

Est-ce que tu travailles dans un endroit comme quelconque.

Noe:

Non, en fait, c'est partout. Justement, on a beaucoup en tête, le Saint-Rémy, la Montérégie, mais de plus en plus les travailleurs étrangers. Déjà, d'une part, il y a de plus en plus de travailleurs étrangers dans tous les secteurs de l'économie. Ce n'est vous allez dans un Tim Hortons en région, je vous garantis, la moitié des gens sont sur un permis de travail fermé. Puis, comme je le nommais tantôt, il y a une multiplication des pays sources. Donc, les gens ne viennent plus seulement, justement, en Guatemala, au Mexique, mais aussi Cameroun, tunisie. Puis, tu sais, il y a des spécialisations. Donc, on voit beaucoup de gens, justement de Tunisie, qui sont recrutés pour venir travailler dans tout le secteur, que ce soit soudure, la métallurgie ou le secteur industriel au sens large. Cameroun, on va être plus dans les trucs de, les gens vont venir pour les soins aux personnes. Philippines, même chose, les travailleurs domestiques. Donc, il y a vraiment des sur-spécialisations, disons, dans certains secteurs où les gens vont être recrutés pour un certain type d'emploi. Mais voilà donc, de plus en plus, dans toutes nos industries, il y a des gens qui sont embauchés avec des permis de travail fermés. Donc, c'est pas propre uniquement à la Montérégie, c'est partout. au Québec, on a été appelé il n'y a pas si longtemps, par des gens au fin fond de la Bitsibi, j'étais comme mon Dieu. Donc voilà, il y a vraiment cet élargissement-là du recours aux travailleurs migrants.

Noe:

Puis, bon, évidemment, il y a des avantages à ça Pour les employeurs d'avoir un travailleur qui va être là pour, parce que dans le secteur agricole, on est là pour quelques mois, mais dans d'autres secteurs, notamment dans la transformation alimentaire, on peut être ici jusqu'à un maximum de trois ans sur un visa, avec un permis fermé. Donc, ça peut être avantageux pour les employeurs de se dire bien, pendant trois ans, je vais avoir quelqu'un d'assuré à ce poste-là, la personne ne pourra pas s'en aller. Donc, quand on a des emplois qui sont plus difficiles à combler parce que les conditions de travail sont meilleures, sont mauvaises, en fait, sont pas meilleures, sont mauvaises parce que les conditions de travail sont mauvaises, ça crée un incitatif, en fait, à forcer les gens à faire ce travail-là Et dans l'agriculture généralement, c'est des travaux qui concernent vraiment très, très physique de ramassage, surtout de récolte.

Host:

En fait, on voit beaucoup dans les champs, par exemple, de laitue, etc. Des personnes qui font ça toute la journée, etc. Donc, on imagine qu'il y a très peu de personnes qui peuvent le faire et on s'assure avec des personnes avec des permis fermés, qu'elles ne peuvent pas sortir de ça. Mais je pense qu'on parlera des conditions de travail de ces personnes avec toi un petit peu plus tard. Donc, sur ce constat un petit peu moche de l'agriculture aujourd'hui, on va peut-être demander à Mims par rapport au crapaud, est-ce que du côté communautaire, est-ce que du côté de l'agriculture urbaine?

Mims:

on a un constat un peu plus, un peu plus joyeux d'espoir et de limites, en fait, de l'agriculture communautaire que moi, je constate. En fait, faire de l'agriculture en contexte urbain, ça vient avec un paquet d'enjeux et de défis, notamment, notamment, l'enjeu de l'espace, l'enjeu aussi de la disponibilité de l'espace, mais aussi de la qualité des espaces disponibles. On peut penser au fait que, de par une présence de plusieurs siècles d'urbanisation, d'industrialisation, on a souvent des sols qui sont contaminés en ville, que ce soit par, justement, la présence d'industrie, mais aussi la question des dépotoirs. Il y a également le fait que, en ville, bien, on a un paquet de microclimats, on n'a pas des conditions qui sont optimales comme dans un beau champ de l'Estrie ou de la Montérégie, plein soleil, avec des terres fertiles, l'estrie ou de la Montérégie, plein soleil, avec des terres fertiles.

Mims:

Ça complexifie en fait les manières de faire de l'agriculture en milieu urbain. Il y a la question de la biodiversité aussi. La biodiversité en milieu urbain et en milieu périurbain ou en milieu ruraux, c'est pas la même chose. Puis, il y a un paquet de relations trophiques, puis de processus écologiques qui sont nécessaires au support de nos systèmes agricoles, au support de l'agriculture, qui sont impactés par, justement, les milieux urbains, la pollution, les impacts de l'humain sur ces réseaux-là, puis qui viennent encore une fois, complexifier la manière de faire de l'agriculture en contexte urbain. Il y a la question de l'accessibilité à l'eau, il y a la question aussi des intrants.

Mims:

L'agriculture urbaine demande beaucoup d'intrants qui viennent de l'extérieur parce que, bien évidemment, c'est pas sur de l'asphalte et du béton qu'on va faire pousser des aussi tout ce qui est les services de pollinisation, puis de fertilité des sols par la micro-fond, donc l'ensemble des petits organismes qui habitent dans les sols et qui font rouler le cycle de la matière organique et qui permettent d'avoir une fertilité qui va supporter des cultures qui vont pouvoir être assez productives pour nous nourrir. Mais en même temps, d'un côté, comme plus du côté de l'espoir et des choses à construire, l'agriculture urbaine amène toute la question de la réappropriation des espaces urbains, du tissu urbain de la ville par les communautés, de potentiel qui émerge de ça. Au lieu de faire pousser des condos, on pourrait faire pousser des grands jardins collectifs pour nourrir les communautés qui habitent autour de ces jardins, qui pourraient s'impliquer dans ces jardins-là pour, justement, créer du lien social, créer des réseaux de solidarité, nourrir justement les solidarités et les résistances. À travers des pratiques comme ça, on est aussi dans un contexte, depuis plusieurs années, de vraiment multiplication des initiatives d'agriculture urbaine. Il y a beaucoup de choses qui sont apparues, qui sont essayées, il y a beaucoup de nouvelles idées que les gens essaient de mettre en place, de voir bon, est-ce que ça fonctionne, est-ce que ça ne fonctionne pas, quels constats, quelles solutions, quels apprentissages on peut sortir de ces initiatives-là.

Mims:

Puis, on est aussi dans un contexte de comme un grand intérêt, un intérêt renouvelé ou un intérêt plus marqué en fait, des personnes qui habitent en ville pour l'agriculture urbaine, pour le jardinage.

Mims:

On l'a vu exploser pendant la pandémie, tout le monde s'est trouvé un nouveau pouce vert et un nouvel intérêt pour cultiver des petits potagers, qui s'essoufflent un petit peu depuis, parce que c'est bien beau, justement, rêver d'autosuffisance, rêver de souveraineté alimentaire, d'autonomie, de faire de l'agriculture urbaine, de jardinage, mais après, il y a la confrontation avec la réalité matérielle et les difficultés qui viennent avec ça, et, en fait, c'est pas si facile, surtout en contexte urbain.

Mims:

Mais aussi, tu sais, il y a beaucoup d'espoir là-dedans, parce que ça adresse aussi des enjeux comme la relation des citadins et des citadines à la biodiversité, à l'environnement, à la nature en général, souvent dans les villes, dans des environnements qui sont très, très modifiés, qui sont très, très béifiées, qui sont très, très bétonnisées, asphaltées. Bien, la relation de proximité à l'environnement, puis qu'est-ce que c'est? elle n'est pas la même, puis on a peu de contact, en fait, avec c'est quoi? l'environnement? Puis, le fait de faire de l'agriculture urbaine, c'est une manière d'entrer en contact, d'entrer en lien avec les organismes vivants, plantes et animaux, qu'on côtoie au quotidien mais qu'on ne voit pas forcément.

Host:

Oui, puis, comme tu disais, ça fait aussi du lien avec les humains aussi autour, qui fréquentent les lieux, etc. Mais je vais peut-être partir sur ça parce que j'ai l'impression qu'il y a vraiment plein d'agriculteurs urbains aujourd'hui, surtout à Montréal, avec différents enjeux. Je pense que je place plus le crapaud sur ce fait de créer du lien autour d'espace, de sensibiliser à des enjeux, etc. Mais aussi une agriculture urbaine très commerciale. Et là, aujourd'hui, je regardais sur mon YouTube, la première pub c'était l'UFA.

Host:

Peut-être que je recherche trop de trucs sur l'agriculture, mais j'ai l'impression qu'ils font une agriculture très commerciale où les personnes qui travaillent sont des ouvriers agricoles spécialisés qui vont faire une tâche toute la journée, qui sont dans des serres ultra chauffées. La plupart du temps, elles ne font que des produits à haute valeur ajoutée, tandis que des paysans paysannes font un peu de tout, dont des tomates et des concombres, mais l'UFA se caractérise là-dessus puis achète pour pas cher dans d'autres fermes où l'exploitation est aussi maximale, fait que j'ai l'impression que l'agriculture urbaine, ça représente beaucoup de choses, mais on est entouré de tout ça et je pense que ça, le crapaud, représente une autre façon de voir et de faire communauté.

Mims:

À partir du moment, on a vraiment une approche qui est différente justement parce que, tu sais, on est un collectif. Le CRAPO, c'est le collectif en agriculture urbaine et en aménagement paysager et agriculture urbaine durable, et nous, on a vraiment une approche en autogestion collective. Nos jardins sont collectifs, puis c'est qu'on travaille ensemble, en équipe, dans comme l'ensemble des parcelles de jardins Fait que c'est très différent de, par exemple, les jardins communautaires où chacun a son petit espace, c'est son petit espace qui lui appartient, il s'occupe de son petit espace et ça finit là. Ou d'initiatives, vraiment, avec visée commerciale, productive, et où les gens n'ont pas de bonnes conditions de travail ni de très bons salaires. Ça détonne aussi parce qu'on crée une communauté autour de ces espaces de jardins collectifs justement.

Mims:

On crée une communauté autour de ces espaces de jardin collectif-là Et c'est tout l'enjeu de la coexistence, la cohabitation avec la faune urbaine, comme je l'appelle. Ça fait que ça va être. Nous autres, on est situés sur le campus des sciences de l'UQAM, ça fait que ça va être autant la communauté universitaire mais aussi la communauté du quartier, donc les gens qui habitent autour et qui fréquentent ces espaces-là, ça va être aussi toutes les personnes précarisées, marginalisées, en situation d'itinérance, qui fréquentent ces espaces-là et qui s'y investissent aussi à travers le temps. On a beaucoup de nos membres au crapaud qui sont des personnes, justement en situation d'itinérance, qui viennent utiliser comme des lieux de vie nos jardins, puis qui viennent s'impliquer et participer de manière ponctuelle au jardinage, aux récoltes, aux faits de semée.

Mims:

Puis, nos jardins, ils sont pas clôturés comme les jardins communautaires, ni canassés, ils sont vraiment accessibles dans la perspective que, comme, tout le monde se sente le bienvenu dans cet espace-là, ils sentent qu'ils puissent mettre sa petite contribution, qu'elle soit très ponctuelle, très brève ou sur la plus longue durée. Puis, c'est aussi une perspective de comme Moi, souvent, j'explique aux gens. Les gens me posent des questions comme Ah, mais à qui ça va toutes ces récoltes-là? Je suis comme Bien, ça va aux gens qui en prennent soin, après ma barre. Mais j'invite toujours les gens à venir faire de l'auto-cueillette aussi, puis à venir découvrir, s'approprier ces espaces-là, puis à venir faire de l'auto-cueillette et à avoir des conversations. C'est des moteurs de départ, de conversation sur un paquet d'enjeux, puis de créer justement du tissu social, puis des réseaux de solidarité, à travers cette espèce de petit prétexte-là.

Host:

Ça, l'enjeu n'est pas forcément quelque chose de productif en termes de production végétale, mais plus de production de liens, quoi.

Mims:

C'est ça. On n'a pas des jardins qui sont productifs. On ne pourra jamais offrir des paniers de légumes hebdomadaires avec les jardins collectifs du crapaud. Mais on offre plein d'autres belles choses, par exemple à travers.

Host:

C'est ce que je l'ai, Et n'hésitez pas, je vais essayer de regarder un petit peu plus souvent la salle. Si vous avez des questions comme ça, on les prendra.

Membre du Public (1):

Poser une première question. Moi, je me dis que c'est des super compositions, mais qu'il faut rendre ça accessible au plus grand nombre. Et, comme l'une d'entre vous disait tout à l'heure, on peut pousser des condos au lieu faire pousser des champignons. Donc, il faut aussi de l'espace pour ça, il faut un engagement de l'urbanisme et de la manière dont on perçoit les villes et on les construit. On sait qu'on va vers une condensation d'humains, en robes, en vêtements, que ce soit des petites ou des grandes villes, et donc, il faudrait laisser de l'espace et planifier sur le long terme des espaces justement collectifs et des espaces d'investissement de la terre. Ça veut dire garder ce lien et faire enfin que ce soit aussi accessible de travailler là-dedans, d'en faire une activité, d'en faire des liens, etc. Fait que moi, je me pose la question du plaidoyer envers les élus, les politiciens. Et puis comment? est-ce qu'on peut?

Membre du Public (1):

faire pour porter un message politique avec ça, et je me demande si Rappo a connaissance de ça ou d'autres parmi vous connaissent des instances qui font ça, ou même des groupements.

Host:

Donc, en gros, comment on fait pour pas construire de condos mais plutôt cultiver, et comment on fait pression sur le politique, un petit peu sur les choses. C'est vrai que Capo peut répondre aussi à ça. Moi, je suis aussi dans l'agriculture urbaine et je vois beaucoup de têtes qui sont dans l'agriculture urbaine. Ici, il y a des plaidoyers dans les organismes communautaires, mais souvent ça ne suffit pas, parce que la pression des villes, ce qu'elles veulent, c'est des impôts, et du coup, nous, on ne rapporte vraiment pas d'argent aux villes, aux arrondissements, etc. On se base sur d'autres valeurs, mais qui est difficilement acceptable dans l'enjeu du capitalisme, etc. Dans l'enjeu des villes qui ne sont pas les nôtres. Mais c'est toujours difficile.

Host:

Je pense que ce sont des batailles que les organismes communautaires essayent de faire, que d'autres personnes essayent de faire un peu plus en mode pirate, à se réapproprier des espaces qui sont comme délaissés, etc. Pour reverdir, et ça, on le voit vraiment partout, dans tous les quartiers, des personnes qui s'investissent pour reverdir des quartiers, etc. Ensuite, c'est réfléchir à comment, collectivement, on a une pensée et des luttes pour quand il y a un projet de merde qui arrive en ville, on se dit attends, on ne fait pas ça, on fait autre chose, ou on soutient déjà les jardins qui sont actuellement en place, et c'est vrai qu'il faudrait une sorte de front de lutte pour plus de jardins collectifs, plus de choses comme ça.

Gael:

Moi, c'est un peu mon avis, je ne sais pas si vous avez d'autres Pour m'intéresser un peu en ce moment au collectif 6600, les friches urbaines sont un gros enjeu parce qu'une fois que les choses sont construites et bétonnées, il y a des gens très motivés qui vont casser du béton. Et c'est vraiment une sensation incroyable de casser du béton, mais on ne peut pas nécessairement faire ça à l'échelle dont on a besoin. Fait que les friches urbaines sont les rares espaces. Tu sais, pour moi, mettons le crapaud ou ce genre d'initiatives sont super importantes parce que le fait d'exister va obliger les institutions à accepter la présence qu'ils ont et à en y faire avec et à leur laisser une existence.

Gael:

Mais dans les friches urbaines, pour moi, c'est là où, quand on parle de production justement, un peu plus à grande échelle, ça va être intéressant. Bon, le boisier Steinberg, il y a des gros enjeux, effectivement, de sol contaminé. Donc, la production n'est pas forcément super faisable à court terme en pleine terre. Mais ce combat-là, il est fait au niveau des instances politiques municipales constamment Et juste, le fait de faire exister ce genre d'endroits, de rendre la cohabitation, comme tu disais Mums, de populations différentes, de montrer que c'est des endroits habitables, d'avoir des petits jardins dedans, c'est hyper important pour aller contrer, comme disait Nico, les gros intérêts des habitations, des constructions, de l'industrialisation. C'est bien plus important, bien plus intéressant financièrement, que la production végétale ou légumière en ville. Mais je pense que ces endroits-là sont des espaces hyper centraux pour faire ce militantisme-là au sein des villes.

Mims:

Oui, si je pourrais me permettre de rajouter, c'est tout l'enjeu, la question de repenser la ville aussi, puis de faire de la place à cette agriculture urbaine-là, plutôt que de faire de la place à des projets qui font rouler le grand capital Au Crapeau. Ça fait à peu près 15 ans qu'on existe et ça a commencé par des initiatives de guerrilla gardening, un peu comme ce qu'on a vu, justement au terrain vague, avec Mobilisation 6600. Fait que, grosso modo, c'est des gens qui se sont pointés et qui ont dit bon, la pelouse de l'institution, on s'en fout un peu, fait qu'on va prendre des pelles et des pioches, on va se pointer une nuit sur le campus, on va arracher la pelouse, puis on va planter des patates et des tomates. Et progressivement, à travers les années, on a grugé de plus en plus de terrain sur le campus de l'UQAM pour s'approprier de plus en plus grands désespaces. Et avec ce processus-là, est venue, au bout d'un certain temps, une forme de reconnaissance de la part de l'institution.

Mims:

Mais ça a pris beaucoup d'années. On a eu beaucoup de bâtons qui nous ont été mis dans les roues, de freins à, justement, le développement de nos projets. On les a faits pareils, puis là, bien, à cette heure que l'UQAM voit que ça amène une valeur ajoutée à son campus des sciences, bien là, il s'approprie nos initiatives, notre travail, il instrumentalise pour se faire de la pub et du capital social et écologique sur notre dos. Puis, évidemment, exactement, mais dans le contexte aussi de la Ville de Montréal, on voit qu'ils ont des politiques qui débloquent des enveloppes budgétaires pour des initiatives d'agriculture urbaine, pour la protection des pollinisateurs, pour le fait d'aménager des saillies de trottoirs, puis inclure plus de biodiversité, des plantes indigènes, des trucs comme ça.

Mims:

Mais il y a aussi une dynamique où il y a une instrumentalisation de l'agriculture urbaine, des ruelles vertes, des jardins communautaires, qui est au service de la gentrification de certains quartiers. Puis, ça, c'est un gros enjeu de l'agriculture urbaine, c'est qu'elle peut être émancipatrice ou elle peut aussi être utilisée pour renforcer et maintenir des systèmes d'oppression et des inégalités sociales au sein du tissu urbain. Ça, c'est des choses auxquelles il faut être très sensible, en termes d'agriculture urbaine notamment.

Host:

Oui, surtout la récupération. Je pense que ça sera toujours récupéré, toutes les initiatives seront récupérées. Mais comment on fait en sorte que, lorsque c'est récupéré, on transforme quelque chose dans notre sens, c'est-à-dire avec plus de démocratie directe, avec plus de production verte, etc. Pour que ça avance? Et je pense que là, on parle vraiment des villes. Mais, comme tu disais, on ne va pas produire toute notre bouffe en ville, etc. Et on dépend vachement des fermes à l'extérieur, ce qui est un peu normal vu les superficies. Mais je trouve que l'agriculture, c'est souvent dans des intersections, vraiment de travail pas cher, on paye vraiment pas cher, c'est des bas coûts de salaire, mais aussi l'intersection de la bouffe que nous, pour notre production sociale, en tant qu'habitants des villes, on doit avoir pas cher. Et du coup, ça crée vraiment une nature pas chère aussi, genre, comme on va mettre des engrais, des pesticides, etc. Pour reproduire socialement des personnes avec un budget de moins en moins élevé.

Host:

Et tu sais, pour moi, c'est une sorte de solidarité avec tous les travailleuses, travailleurs qu'il faut avoir à ce niveau-là. C'est comme on est de moins en moins bien payé, il y a une inflation, il y a des prix qui montent, etc. Comment on fait de la bouffe pas chère? Je pense que la bien avoir votre avis. Gaëlle, toi tu as travaillé dans une ferme, mais aussi Noé, tu connais les conditions et comment tu luttes aussi contre ces conditions de travail un peu misérables que les personnes ont.

Noe:

Bon, effectivement, c'est toujours un peu difficile, l'organisation en milieu de travail. Il y a des obstacles supplémentaires quand les gens se retrouvent dans une situation migratoire précaire, évidemment. Puis, bon, en termes d'organisation, je pense que ça vaut pour tout le monde ici. La première étape, en fait, c'est de parler à nos collègues, d'apprendre à créer du lien, du lien social qui est solide avec nos collègues pour, en fait, contrebalancer le rapport de force, parce que l'employeur le voit bien, quand on est seul, c'est facile de faire du harcèlement, c'est facile de mettre fin au contrat de façon abusive, donc on est plus isolé dans cette lutte-là. Donc, la première des choses, c'est toujours ça, c'est toujours de créer du lien, de s'assurer que les gens se parlent, donc voilà, donc ça, c'est la première étape.

Noe:

Ensuite, bon, encore une fois, dans le contexte des trava, donc, à partir du moment où ils perdent leur emploi, ils perdent également leur statut d'immigration. Puis, il y a toujours cette crainte-là de si je porte une plainte contre mon employeur, mon employeur va ensuite me mettre dans un avion puis me retourner chez moi. Donc, il faut apprendre à casser cette peur-là. Puis, souvent, les enjeux sont trop grands, en fait, La famille à l'étranger qui est complètement dépendante, en fait, du revenu qui est fait ici. Donc voilà, ça crée des obstacles supplémentaires.

Host:

C'est pas impossible. Est-ce que tu vois quand même une certaine solidarité entre les travailleurs dans les champs, dans leur travail, ou c'est quelque chose qui est?

Noe:

difficile, il y a les deux, parce que c'est propre au capitalisme aussi. Nos patrons vont toujours essayer de nous diviser. Donc, c'est vraiment pas rare qu'on voit des patrons utiliser les tensions entre les différentes communautés, jouer à diviser pour mieux régner entre les Mexicains et les Guatémaltèques. Ce genre de choses-là, on voit ça constamment. Donc, il faut agir avec doigté pour un peu déconstruire ces stéréotypes racistes-là, puis essayer de faire commun. En fait, tout le monde est victime des mauvais traitements du patron, donc d'essayer de ramener ça en tête aux gens. Mais oui, effectivement, c'est possible de le faire, mais ça demande beaucoup de travail de discussion en fait, pour en arriver là.

Host:

On parle de patrons. J'ai comme une question qui me vient là, vu que il n'y a pas de bons et de mauvais patrons là, le patronat, c'est quelque chose. Mais il y a aussi des personnes qui sont au-dessus de ces fermes, de ces patrons, les grands groupes. Il y a les grands groupes. Il y a en gros cinq grosses firmes au Québec qui possèdent 76 % de toute l'agroalimentaire, la distribution. Le reste, c'est juste des épiceries, des dépanneurs. Ça fait qu'ils ont une pression énorme à faire sur ces patrons de fermes, etc. Pour avoir un coût pas cher pour faire travailler. Comment tu vois ça?

Noe:

Moi, je le vois vraiment comme l'image du gros poisson qui en mange un plus petit, qui en mange un plus petit, qui en mange un plus petit. C'est vrai, on est dans un rapport de patronage, on est toujours dans les rapports de pouvoir. Il y a quelque chose de problématique à ce niveau-là. Mais il y a aussi énormément de détresse parmi les exploitants agricoles. Ça, je pense qu'il faut la considérer aussi. Malgré tout, on va le voir j les plus petites fermes, c'est pas évident. Donc voilà, oui, il y a effectivement cette problématique-là de les grosses multinationales qui, finalement, tirent leur épingle du jeu, puis toutes les autres, en dessous, souffrent. Mais on dirait qu'il y a cette facilité-là à aller taper sur la personne en dessous pour se déresponsabiliser des problèmes, puis essayer de tirer un peu son d'aller chercher sa petite part du gâteau.

Host:

Mais voilà, oui, on se fight un petit peu toujours avec les personnes, juste un petit peu au-dessus qu'on considère au-dessus, mais en même temps. C'est vrai qu'il y a une certaine précarité Et, au Québec même, les exploitants, les exploitantes agricoles. Il y a un très haut taux de suicide dû au surendettement, etc. Oui, mais en fait il y a comme des enjeux capitalistes très importants là-dessus c'est-à-dire que pour faire des prix pas chers.

Host:

Il va falloir mettre une pression sur les marchés pour que les personnes produisent vraiment à bas coût, etc. Et s'endettent pour avoir des nouvelles machines, etc. Mais en fait, c'est aussi ces grosses firmes, ces grosses fermes qui vont imposer des prix dans les supermarchés, dans les épiceries ou en tout cas même dans l'imaginaire des personnes, fait qu'on se retrouve avec des prix indécents. Mais aussi même dans les fermes bio où il n'y a pas de patron toi, tu étais en coopérative, par exemple. En fait, on subit cette pression et je veux bien que tu.

Gael:

Donc, on a lancé avec trois, trois amis, trois amis collègues, une ferme en 2020, donc pendant la coved, enfin au début de la colline, avec on a.

Gael:

C'était un lancement d'espoir vraiment, parce que, justement, je pense qu'on voulait se construire complètement en opposition avec ses exploitants agricoles qui exploitent des gens et des écosystèmes, mais aussi se font exploiter eux-mêmes et sont dans une détresse individuelle assez hallucinante et une solitude. Et on s'est dit construisons autre chose que ça. On était parti un peu de l'agriculture urbaine, plus communautaire, puis on avait envie de passer à l'étape productive. Vraiment, donc, on met, on voulait faire ça. Bien fait qu'on s'est mis en coopérative de travail à 4, en égalité, en autogestion, ont décidé tous ensemble, on s'est dit qu'on voulait que des conditions de travail correct, c'était une de nos priorités, à égalité avec avec faire attention à la biodiversité, au, au sol, aux écosystèmes. Puis notre but, c'était de nous nourrir, nous, puis de nourrir un peu les gens. Donc, le modèle est incroyable. Et puis ça donne beaucoup d'espoir, juste de pouvoir décider et, justement, de ne pas avoir quelqu'un au-dessus de toi, d'être ton propre patron.

Gael:

Finalement, à plusieurs de prendre ces décisions collectives, de construire un projet ensemble avec tes propres valeurs et tes principes, on s'est rapidement confrontés à une réalité bien plus grande que nous, qui était non seulement, comme tu dis, nico, des prix qui sont imposés par un marché mondialisé qui n'a aucun sens. Dans les épiceries, c'est le prix qu'on paye les légumes J'ai parlé de légumes parce que c'était une coopérative maraîchère mais les prix qu'on paye les légumes à l'épicerie ne permettent absolument pas de payer. Même si cet argent-là allait à quelqu'un ce qui n'est absolument pas le cas, si ça allait au producteur, ça ne permettrait pas de payer le producteur et ça ne va d'intermédiaires dans la chaîne entre la production et la consommation Et nous, finalement, nos clients, qui étaient à la base dans une. Donc un peu expliqué. Mais dans l'agriculture soutenue par la communauté, l'idée, c'est que ce ne sont pas des clients, c'est des partenaires avec toi. Ils font un pari sur ta ferme, sur ta saison, ils te donnent de l'argent en amont.

Gael:

Donc, toi, ça te crée un petit capital au début de saison où tu n'as pas d'argent, et ils vont payer ce prix-là. Tu fais un peu un pacte avec eux Tout ce qu'on va produire, on va vous le donner. Si on n'en produit pas, on vous donnera moins. Si on en produit plus, on vous en donnera plus. Mais le prix que vous, vous allez nous donner rest. Donc, c'est une super belle, super belle, super belle connexion entre, justement, les consommateurs et les producteurs. Mais ces consommateurs restent des consommateurs. Ce modèle là a beaucoup évolué depuis sa création.

Gael:

À la base, les gens venaient à la ferme au moins une fois par semaine. C'était des gens qui étaient impliqués bénévolement, qui participaient au côté administratif, qui faisaient les points de chute, ils étaient hyper impliqués. Ça a beaucoup évolué parce qu'il n'y a aucune faute nulle part. Les gens travaillent à temps plein, tu n'as pas le temps de faire une journée à la ferme par semaine, et donc il y a un rapport quand même, qui est plus consommateur? Et eux s'attendent à un prix qui ressemble aux épiceries, et on a tout fait pour ressembler à ces. On était souvent même moins cher que le bio en épicerie, tout en essayant de payer 4 salaires sur 8 mois au salaire minimum, en ne comptant pas nos heures. Il y avait une grosse tension entre pouvoir nourrir des gens et malgré tout, on nourrissait quand même la majorité de nos clients. On était à Repentigny, on avait des points de chute à Repentigny, à l'Assomption, un peu plus en région, mais la majorité de nos clients étaient à Montréal, dans les petits quartiers, le Fun, où les gens ont le temps d'aller chercher un petit panier et puis de payer d'avancer 700 dollars en début d'année, on nourrissait quand même des bourgeois, malgré le fait qu'on essaie d'avoir des prix le moins cher possible tout en essayant de ne pas faire compétition avec les autres fermes qui sont nos amies, et en même temps, on pouvait souvent se faire critiquer parce que les portions n'étaient pas assez grosses.

Gael:

Donc, il y a un rapport à ce niveau-là, mais je dirais qu'il y a même deux autres choses que j'ai notées quand même. C'est qu'en termes de conditions de travail, non seulement il y a les épiceries générales, mais je pense que c'est accepté assez globalement qu'on ne pourra pas produire comme les épiceries. Ce ne sont pas eux nos compétiteurs. Nos compétiteurs, par contre, c'est Lufa Lufa.

Gael:

Ils ont décidé de reproduire le modèle du panier familial, local, bio, etc. Avec en plus toute une dynamique derrière, d'amazon en fait, où tu te fais livrer chez toi, tu peux décider exactement ce qu'il y a dans ton panier, tu peux arrêter du jour au lendemain. On voit bien la grosse différence entre ça et un pacte sur une saison où il y a une solidarité entre des consommateurs et des producteurs. Mais ils sont tellement. C'est des entreprises qui sont financées. J'ai unie.

Gael:

Ils ont un capital hallucinant qu'aucune ferme ne peut avoir. Ils ont un soutien dans la ville, des institutions qui sont hallucinantes. Donc, ils sont capables de proposer ces modèles-là et de garder un marketing qui ressemble au nôtre en étant bien plus performant. Ils ont des pubs sur YouTube. Ils ont des pubs. J'ai des pubs sur Youtube. Ils ont des pubs. J'ai des pubs sur Facebook, absolument partout. J'ai des pubs de Louffa.

Gael:

Jamais on sera capable de payer une pub Facebook à hauteur. On mettait un petit 50 dollars de temps en temps et puis on était comme waouh, on a eu des clients, mais c'est la même image et c'est absolument pas le même service. C'est absolument pas le même soutien auprès des producteurs et c'est pas du tout la même qualité de produit non plus. Mais eux, on réussit cette chose-là d'amazoniser le panier bio et c'est très frustrant parce qu'on combat eux maintenant. Et donc, non, on n'a pas de pizza toute prête dans nos paniers et on n'a pas de Pepsi local ou whatever ce qu'ils ont.

Gael:

Chaque fois que je vois des exemples de paniers loufax, je suis comme mais qu'est-ce que t'as produit là-dedans? en tout cas, je vais pas m'étendre là-dessus, parce que il n'empêche que c'est ça la réalité. Au-delà de ça, il y a aussi je parlais de, on parle de bio-intensif depuis tout à l'heure c'est vraiment le maraîchage sur petite. Beaucoup de légumes sur moins d'un hectare, avec T'apportes beaucoup d'engrais, beaucoup de compost pour nourrir ton sol, tu fais plein de légumes différents sur la même planche, tu produis, tu produis, tu produis à fond.

Gael:

T'as pas besoin de beaucoup de machines parce que c'est sur une toute petite surface, donc t'as pas besoin de beaucoup d'investissements. C'est ça la promesse. Mais il faut du monde. Donc, c' ça que s'est construit le modèle de Jean-Martin Fortier, dont je vous parlais tout à l'heure, qui maintenant écrit plus de livres et de faire de conférences que de faire des maraîchages. Mais il n'empêche qu'il a fait ça pendant 10 ans, puis que c'est son modèle.

Gael:

Et en fait, nous, on s'est rendu compte aussi, au bout d'un moment de ça, qu'on avait internalisé aussi une culture de la performance. Donc, non seulement on avait une pression extérieure de productivité, où chaque planche devait avoir un certain nombre de légumes pour qu'on puisse le vendre assez peu cher, pour que les clients soient contents, mais en plus de ça, nous, on n'arrivait pas à s'arrêter, on n'arrivait pas à se dire tiens, priorisons notre santé mentale et notre santé physique, prenons des jours de congés. Il y a une culture de la performance, je pense dans les petites fermes bio, qui est peut-être de se prouver, en tant que néo-rurban, qu'on va y arriver, en néo-ruraux par exemple, qu'on va y arriver et que nous aussi on est forts, mais qui amène à des burn-out, très simplement, et l'auto-exploitation aussi qui est vachement forte là-dedans quand tu es ton petit patron tu commences aussi à penser un petit peu comme ça et à valoriser le travail.

Host:

Je pense que c'est quelque chose aussi qui est vachement intéressant quand on est anarchiste, anticapitaliste et généralement on est contre le travail. Et quand on commence à faire des métiers physiques, on se dit ah ouais, mais en fait, on essaie d'avoir des arguments et je pense que c'est assez vicieux là-dedans. Je ne sais pas si vous voyez ça Oui.

Noe:

Noémie. Ce que je trouve intéressant de ce que tu nommes Gaëlle, c'est combien de projets maraîchers on a vu émerger dans les dernières années qui, ultimement, étaient basés sur le travail gratuit des amis autour, sur l'implication bénévole, sur Ah non, mais là c'est la récolte. Puis on est vraiment dans le jus. Il faut ramasser là, parce que les tomates vont pourrir. Demain, S'il vous plaît, appelle sur Facebook, venez nous aider, on va vous payer en légumes. Je veux bien, je veux bien, mais non, il y a quelque chose pour moi qui est justement dans l'ordre de On reproduit ce modèle-là, on reproduit. Oui, je comprends qu'il y a quelque chose de complètement déréglé dans ce système-là. Où est-ce que produire des légumes, produire de la survie?

Noe:

en fait là, tu sais il faut manger pour vivre, donc produire ça, c'est plus rentable. Donc, on est obligés, soit de s'appuyer sur le travail gratuit des amis ou de s'appuyer sur le travail pas cher, le travail en migrant. Puis, moi, j'étais, mais scandalisée, quand j'ai vu, j'ai regretté, dès le jour 2, et quand j'ai vu les producteurs, marchés, qui postent une photo avec leurs travailleurs migrants, avec hashtag la famille, j'étais comme non, non, non, non, le comme on n'est pas là dedans, comme c'est pas la famille. Ces gens là ne dorment pas dans ton lit, ils viennent pas ton parti de noël, ce n'est pas la famille, on va arrêter ça tout de suite. Et puis, et puis, tout le monde me sort ce truc-là« Ah, non, non, mais nous, on les traite bien, on les traite comme la famille. Non, c'est pas ça.

Noe:

On est dans un rapport d'exploitation, ils sont coincés chez vous, ces gens-là ne sont pas ta famille. Puis, depuis quand on sort cet imaginaire-là, quand on est dans un rapport de travail, notre patron, il nous sort toujours seul. Non, on est pas la famille, nos intérêts sont pas les mêmes, on est en opposition constante. Sortez moi après ça, je suis un peu désabusée. Comment on réussit? pis, moi, j'ai pas de réponse. J'ai jamais travaillé dans un projet agricole. J'ai fait des jardins chez moi. Je me suis fait défoncer par les écureuils je me suis tannée après une semaine.

Noe:

J'ai pas de réponse à ce niveau-là. Comment on réussit à créer ce modèle, Un modèle fonctionnel en agriculture? je me pose cette question-là vraiment souvent. J'ai du mal à voir comment on va y arriver en réalité.

Host:

Je pense même, avant de partir, justement, sur le dépassement, comment on fait, c'est quoi, nos idées, etc. et vous êtes vraiment conviés à avoir des idées, parce que moi non plus, j'en ai pas beaucoup mais sur, justement, le modèle de l'exploitation, là, on parlait beaucoup d'exploitation humaine, mais il y a aussi tout un enjeu d'exploitation animale. j'en parle pas beaucoup là, parce qu'on parle beaucoup de céréales, légumineuses, légumes, mais au sein même de ces productions, là, on est totalement dépendant aujourd'hui au soi-dis d'immenses infrastructures et industries de poules qui sont là juste parce qu'on va récolter leurs fientes et on en fait de ce qu'on appelle ici de l'actisol, et c'est des conditions vraiment horribles. Bref, tout ça pour dire qu'on est dépendant de ça, et je pense que aussi, je pense au crapaud, mieux c'est de l'utiliser. nous, on'a utilisé, on l'utilise encore. Je pense qu'il y a vraiment la question de l'animal, juste, avant de parler peut-être de comment on dépasse l'exploitation, à la fois de l'exploitation du vivant. Je ne sais pas si vous voulez répondre aussi. Enfin, tournez le bienvenu.

Noe:

Oui, sans surprise. Oui bien, ils sont surpris. Il y a beaucoup de travailleurs migrants, justement aussi, dans toute l'industrie de la production animalière, Conditions qui sont extrêmement difficiles. Le rythme de travail est tellement, tellement rapide, travailler dans des frigos à couper de la viande, avec des mouvements répétitifs, et tout puis. Effectivement, cette industrie-là, elle, est aussi problématique. Donc, donc, c'est pas seulement la production des fruits et légumes qu'il faut repenser, mais c'est tout notre modèle, toute notre chaîne d'approvisionnement. Il ya quelque chose, il ya quelque chose de complètement brisé, en fait, avec ce modèle.

Gael:

Moi, ça a participé à mon, tu parlais d'être désabusé. Là, moi aussi, j'ai pas mal été quand je me suis rendue compte que c'est ça, les petites fermes bio super cute où, justement, effectivement, on pose full des photos. On poste des photos vraiment nice. Ah, on a réussi. Alors qu'en fait, on crève de chaud et on s'ennuie quand même de trucs toxiques, parce que c'est quand même accepté dans le bio d'avoir des produits qui ne devraient pas être acceptés dans le bio. Et notamment quand j'ai réalisé que la petite ferme bio productive, en bio intensif, elle reposait spécifiquement sur l'actisol, c'est du fumier de poule. Mais on ne va pas chercher les petites poules bio du voisin, c'est que des, c'est que dans l'industrie de la volaille, c'est fait par des centaines de tonnes et c'est distribué dans tout le Québec.

Gael:

Sans ça et sans le compost qu'on va chercher dans les tourbières, Tourbière qui, je le rappelle, est un des écosystèmes les plus riches en biodiversité, en séquestration de carbone, c'est un des endroits les plus importants en ce moment à garder. Mais on va détruire ça pour créer du compost à bas coût, et c'est la seule chose que nous, petits paysans, on peut se permettre d'acheter, parce que sinon, les prix sont trop chers. Et c'est ces deux apports-là qui nous permettent de produire pendant les six mois qu'on peut produire, sinon on y arriverais jamais. Le sol n'est pas fait pour produire cinq type de legumes en quatre mois. Ils n'ont pas une biodiversité à long terme Et c'est ça qu'on dit qui est l'agriculture du futur. C'est quand même extrêmement problématique.

Mims:

Oui, si je peux me permettre de poursuivre sur cette lancée en tant qu'une nouvelle bachelière en sciences de l'environnement. Réfléchir l'agriculture sous le capitalisme. C'est aussi réfléchir l'agriculture dans le contexte des changements climatiques causés par le capitalisme, mais aussi le méthane qui surtout provient de l'agriculture animale, et également des oxydes nitreux du N2O, qui est notamment à cause des épandages d'engrais azotés qui, justement, se transforment en gaz à effet de serre qui sont rejetés dans l'atmosphère. Il y a la pollution des cours d'eau que tu viens de mentionner. Il y a toutes ces grandes questions de repenser nos modèles agricoles, puis l'enjeu de la résilience de nos modèles agricoles face à une augmentation en fréquence et aussi en intensité des événements météorologiques extrêmes. On l'a vu dans les dernières années, dans les derniers étés, l'agriculture est très, très sensible à, justement, ces événements météorologiques extrêmes. Qu'on parle de sécheresse, qu'on parle d'inondations.

Mims:

Ça demande beaucoup de travail et d'investissement Et quand on a des sécheresses, quand on a des inondations, c'est tout ce travail-là qui peut être anéanti en l'espace de quelques heures. Et ça vient faire le rapport avec toute la difficulté, justement, de produire de la nourriture pour pouvoir nous nourrir. C'est tout, justement, le rapport au travail agricole dont on parle tous et toutes depuis tout à l'heure.

Mims:

Moi, ce que je constate à une échelle qui est très, très petite, qui est très, très localisée au crapaud, c'est que tout le monde veut faire du jardinage, puis de l'agriculture urbaine, jusqu'à ce que ça soit le temps de comme vraiment en faire, puis de faire des brouettes de compost, puis de faire des brouettes de terre, puis de désherber pendant des heures, puis d'arroser pendant des heures. Puis il y a vraiment toute la question de travail, de care et de prendre soin de la terre, des ressources, des animaux, des plantes elles-mêmes, qui sont dans le travail agricole, et la plupart des gens sous-estiment à quel point ça prend du temps et à quel point ça demande de l'énergie et que c'est du travail pour juste avoir une rangée de carottes.

Membre du Public (1):

Les carottes, c'est les pires, surtout les carottes, le micro là, juste, en deux secondes. j'ai l'impression que la place de l'agriculture urbaine, au-delà de nourrir vraiment les urbains, c'est plutôt de recréer du lien et de la compréhension de ce que c'est que la terre, parce que, finalement, ce qui fait qu'on va vouloir manger des fraises en plein hiver, c'est qu'en fait, on ne sait pas que les fraises, ça ne pousse pas par ici, puis que, et tout ce travail long et fastidieux, moi même je suis complètement perdue la majorité du temps quand j'essaie de comprendre. donc, c'est long, en fait, d'apprivoiser les écosystèmes autour de nous, et d'ailleurs, moi, je n'étais pas au courant qu'on allait dans des tourbières, juste rip off la terre, comme ça. est-ce que c'est gratuit?

Gael:

non, non, c'est une march, non, c'est une marchandise. C'est juste à bas coût. Ça coûte moins cher que de faire Sinon. On va chercher le sol des forêts ou le sol marin. C'est pas mieux. Le compost dans tous les cas, c'est une terre extrêmement riche. En Amérique du Sud, ils sont allés juste chercher la terre noire, qui est une terre compostée pendant des centaines d'années par les peuples amazoniens, et d'un coup, les blancs se sont dit oh my god, c'est génial, c'est riche. Oui, mon gars, ça prend des centaines d'années pour construire un sol riche, mais nous, on le rip off, comme tu dis, puis ensuite on le vend à bas coût même des milliers d'années.

Membre du Public (1):

En fait, on est plus à une échelle de milliers d'années merci beaucoup pour ces informations Et comme tu parles d'Amérique du Sud, justement, je voulais poser cette question de qui c'est en fait qui fait de la nourriture pour pas cher pour les Sud-Américains qui viennent travailler ici, puis qui font de la nourriture pas chère pour nous? C'est quoi le modèle, en fait, chez eux? si jamais vous le savez, j'aimerais avoir une réponse.

Gael:

Je pense que c'est quoi le modèle chez eux? si jamais vous le savez, j'aimerais avoir une réponse. Je pense que c'est tellement mondialisé que les gens qui viennent faire de l'agriculture ici, ce n'est pas pour nous nourrir, nous. L'agriculture qu'eux produisent, elle est mondialisée aussi, elle est exportée. C'est que des questions d'exportation? Je pense que les Mexicains mangent très peu de bouffe canadienne. Tout vient d'ailleurs là. C'est comme que des circuits extrêmement, extrêmement externalisés.

Noe:

Puis, il faut dire aussi qu'en Amérique latine, il y a plus de projets de subsistance, parce que les gens vont faire leur petit le pain. Donc, oui, effectivement, acheter dans un supermarché en Amérique latine, c'est pas nécessairement accessible aux communes immortelles, parce que c'est trop cher, la bouffe est pas.

Mims:

L'agriculture mondialisée, c'est le fait de, comme créer des espèces de niches, donc certaines régions, certains pays vont avoir des spécialisations, donc vont faire, je sais pas moi, comme être les principaux exportateurs de maïs, de blé, de production bovine, de porc, et ces choses-là.

Mims:

Puis cette production-là va être toujours destinée à des marchés extérieurs plutôt que là où elle est produite, fait que, par exemple, au Québec, on va produire du porc qu'on va envoyer partout dans le monde avant de le consommer ici. Puis c'est le même pour chaque pays. Puis, c'est vraiment le modèle d'agriculture mondialisée qui s'est mis en place depuis la Révolution verte et qui est un modèle qui repose sur, justement, énormément de combustion fossile, par le fait qu'on va produire quelque chose à un endroit et que cette production en soi-là cause des grandes émissions de GES, mais c'est qu'elle va être envoyée partout à travers le monde, et là, on a toute la production de gaz à effet de serre liée au transport, alors qu' on pourrait, si on repensait les modèles, couper toute cette pollution-là liée au transport, parce que c'est pas vrai que certains pays doivent devenir, ou certaines régions doivent devenir des spécialités pour le reste du monde. C'est pas soutenable ni viable à la base.

Host:

Je pense qu'on peut passer justement comment on fait Aujourd'huihui le syndicalisme agricole. Il est accaparé, soit disant, au Québec, par l'UPA, qui est l'union des producteurs agricoles, qui est libérale, qui est vraiment très loin d'être anticapitaliste et protecteur des paysans paysannes. C'est aussi la question du syndicalisme, ou en tout cas la question de comment on fait pour prendre cette question et que ça ne soit pas que les paysans, les paysannes qui soient là-dedans, comment on a une solidarité aussi de classe pour qu'on ait de quoi se nourrir, et en respectant aussi et en étant vraiment pragmatique sur le fait que toutes les terres qui sont autour et qu'on cultive sont des terres non cédées. Toutes les terres qui sont autour et qu'on cultive sont des terres non cédées. Il y a plein de questions d'enjeux au Québec pour la question de reprendre les terres aux capitalistes, mais aussi de reprendre les terres par et pour les personnes autochtones. Ce sont des questions assez larges, assez pointues aussi sur l'agriculture Et si vous avez des éléments ou des réflexions par rapport à ça, je serais heureux d'en parler, tout le monde se regarde.

Noe:

Ok, oui, mais le syndicalisme dans le milieu agricole, c'est une question qui est complexe. Si on s'intéresse en termes de loi, qu'est-ce qui s'applique dans notre régime de loi? La loi sur les normes du travail qui va générer, en fait, on me dit, une minute pour conclure. C'est la loi sur les normes du travail qui va générer, en fait, on me dit, une minute pour conclure, c'est vraiment anxiogène. Donc, la loi sur les normes du travail qui va encadrer toutes les relations de travail, il y a certains articles qui ne s'appliquent pas au travail agricole. On pense, entre autres, aux heures supplémentaires, à certains, le salaire minimum pour les cueilleurs de fruits, qui ne s'appliquent pas au travail agricole. On pense, entre autres, aux heures supplémentaires à certains, le salaire minimum pour les cueilleurs de fruits, qui ne s'appliquent pas. Donc, déjà là, il y a comme un régime spécifique.

Noe:

Puis, en termes de syndicalisation des travailleurs agricoles, c'est la même chose. Il y a des exclusions pour les travailleurs saisonniers. En fait, pour que les travailleurs puissent se syndiquer, ils doivent être minimalement trois à être là à l'année. Puis, étant donné qu'on est souvent dans nos industries agricoles au Québec, on est plus dans des petits trucs familiaux où est-ce qu'il n'y a pas nécessairement, justement, trois personnes salariées à l'année, bien, ça devient super complexe, en fait, de faire un mouvement de syndicalisation de ces travailleurs-là. Puis, en plus, bon, supposons qu'on y parvient, il y a un minimum de trois personnes à l'année, mais qu'il y a des gens qui partent, qui reviennent, qui partent, qui reviennent, il y a toute la complexité de comment ces gens-là peuvent être inclus dans l'accréditation syndicale. Donc, effectivement, c'est débat qu'on ne pourra pas parler en une minute.

Host:

Avant de conclure, je pense qu'on peut dépasser un petit peu. Si ça vous va, on peut dépasser peut-être 10 minutes s'il n'y a pas d'atelier tout de suite, on voit un time.

Noe:

Non, c'est la fin.

Host:

Ouais Léo.

Noe:

Le micro. Le micro.

Membre du Public (2):

Sinon, je répète C'est plus le fun avec le micro. Tu me C'est plus le fun avec le micro. Je me dis que peut-être que l'idée d'un statut pour tout le monde, dans le fond, peut être liée à cette lutte-là. Puis, peut-être qu'on doit envisager une lutte vraiment généralisée, si, éventuellement, on veut avoir les nombres pour faire en sorte que le travail agricole ne soit pas exploitatif, alors que peut-être qu'il faut penser comment organiser la lutte des classes à une échelle vraiment plus large que seulement le milieu agricole.

Host:

En plus, on a des faux et tout. C'est quand même bon pour le folklore révolutionnaire.

Noe:

Oui, absolument. Pour moi, c'est la base. Puis l'abolition des permis de travail fermés, évidemment, qui te contraignent ton emploi À partir du moment où on va sortir de ce rapport de servitude-là, d'esclavage. Bien déjà, ça facilite en fait l'organisation des travailleurs et travailleuses. Donc, il faut en arrêter, en fait, avec ces statuts temporaires-là. Depuis 2008,. Au Canada, on reçoit plus de temporaires annuellement que de travailleurs permanents, puis temporaire annuellement que de travailleurs permanents, puis on est en augmentation exponentielle du nombre de travailleurs temporaires. Donc, il y a vraiment un shift vers la néolibéralisation de notre modèle d'immigration, qui va vers ce truc-là de travailleurs jetables, de gens qu'on prend le temps, qu'ils sont utiles, puis quand il y a un accident de travail, ils retournent chez toi. Donc, il faut mettre fin à ce régime-là de temporaire en série, en fait, de gens qui partent, qui reviennent, qui partent, qui reviennent. Pour moi, c'est évident que ça passe par un statut pour tous et toutes, puis un statut permanent pour tous et toutes, pas seulement un statut temporaire.

Gael:

Puis au niveau du Québec. Pour compléter, je pense que déjà, si on arrivait à sortir de la loi le fait que l'UPA est le seul syndicat légal, ça syndicats légals, ça serait vraiment le fun. Et si on pouvait effectivement se sortir des champs et être moins tout seul on ne pourra pas faire ça juste entre paysans Si l'agriculture urbaine, s'il y a des dialogues qui pourraient se créer entre les petites fermes bio et l'agriculture urbaine, ça pourrait, je pense, être super constructif. Puis, effectivement, c'est pas mal la conclusion de toute ma réflexion, que seule, à 4 ou à plus, dans un champ, dans une ferme, on n'est pas assez fort face au capitalisme en tant que tel, fait qu'il faut être à plus et lutter sur tous les fronts.

Host:

Et partager mieux le temps de travail pour pas qu'on s'épuise trop au champ. Oui, est-ce que Mims, t'as des conseils ou des choses pour que les personnes qui ont envie de jardiner ou se disent Ah, ça nourrit un espoir chez moi, etc. Qu'est-ce que tu conseillerais pour?

Mims:

Bien, je pense que mettre les mains dans la terre, c'est la première étape. Je pense qu'il y a beaucoup d'apprentissage à faire à travers cet exercice-là d'entrer en relation, d'entrer en lien, de faire les choses. Nous, au CRAPO, on a vraiment une approche d'éducation populaire, d'apprentissage par l'expérimentation. Puis, je pense que de ça peut naître un paquet de réflexions politiques très, très intéressantes. Le jardinage, c'est souvent quelque chose qui est comme individualisé. Il faut faire un effort justement pour politiser cette sphère-là, puis faire émerger d'autres possibles à partir des liens, des communautés qu'on crée autour de ces espaces-là, puis de tous les apprentissages qui peuvent être faits. Je pense que c'est un Pour faire un petit jeu de mots, c'est un terreau très fertile. L'agriculture urbaine pour, justement la, les mondes dans lesquels on veut vivre, projets, puis à pas hésiter à multiplier les initiatives, puis à embarquer vos amis, votre famille, vos communautés là dedans, pour, pour ce voilà c'est très beau mot de fin.

Host:

Est ce que vous avez d'autres questions, d'autres choses à partager? sinon on peut dire à balagour industrie dire abat l'agro-industrie l'État les flics et les fachos. Merci beaucoup à tous.

Noe:

Merci, c'était bien trop rapide. C'était rapide. Sous-titrage Société Radio-Canada.

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